Thèmes et études, c'est une collection destinée aux étudiants de classes préparatoires (pourquoi une collection juste pour les prépas et pas pour tous les étudiants en littérature ? Mystère.) D'où cet ouvrage sur Shakespeare conçu de façon claire et ordonnée, qui se veut en gros une synthèse de tout ce qu'il faut absolument connaître sur son théâtre (la poésie n'est qu'effleurée) ; c'est un fait, si vous n'avez pas retenu au moins ce qui est présenté ici, vous ne risquez guère de briller à un examen sur le sujet. Disons qu'il s'agit du B.A BA sur la question. Maintenant, si vous n'êtes pas élève de prépa, mais un étudiant moins prestigieux aux yeux de la maison d'édition Ellipses, donc ne fréquentant que l'Université, l'outil vous sera tout aussi utile pour une petite révision de fin d'année. Il pourra également vous satisfaire si vous n'êtes pas ou plus étudiant mais que vous souhaitez vous initier à Shakespeare, ou même servir de plus ou moins intéressante piqûre de rappel si vous ne vous êtes pas penché depuis longtemps sur Shakespeare, voire si vous avez l'intention de vous lancer dans des lectures plus audacieuses mais plus difficiles et que vous ayez peur de vous lancer sans filet. Car l'intérêt de l'ouvrage, c'est qu'il propose à la fois une exposition du contexte (histoire, pratique et conditions des représentations théâtrales, modes de pensées l'époque), un résumé de toutes les pièces considérées comme canoniques, une analyse de l'oeuvre et un résumé des grands types de lectures de Shakespeare (historique, structuraliste, marxiste, féministe, psychanalytique, etc.) On est donc guidé pas à pas dans une approche de ce théâtre réputé (et à raison) difficile.


Pourtant, plusieurs problèmes se posent à cette lecture. le premier, c'est que l'ouvrage comporte les défauts indissociables de ses qualités : conçu pour des classes préparatoires, il est un assez bon reflet de la pédagogie de l'Éducation nationale (du moins dans les matières généralistes). Ce qui donne un outil très formaté, ne laissant guère place à la réflexion des lecteurs : un outil conçu pour passer et réussir un examen de l'Éducation nationale. Et comme l'auteur considère que les élèves auxquels ils s'adressent ne sont pas assez malins pour comprendre ce qu'il y a d'universel et d'intemporel chez Shakespeare (ce qu'une analyse sérieuse de l'oeuvre ou une bonne mise en scène démontre pourtant sans problème), il émaille son discours de références à ce qu'il croit être la culture de ses lecteurs : la presse people, les sitcoms, etc. Pour expliquer pourquoi les sorcières de Macbeth s'expriment en tétramètres rimés, il suffisait de dire que c'était le style le plus adapté à la psalmodie des incantations ; ce qu'il fait, mais, malheureusement, il ne peut s'empêcher d'ajouter qu'en fait, elles font du du rap... Mon problème, c'est que je déteste par-dessus tout qu'on prenne les lecteurs pour des cons. Donc, là, disons-le bien fort, j'aime pas du tout, mais alors pas du tout, ce que fait Gérard Hocmard. À ceci s'ajoute quelques autres petits défauts. Hocmard ne connaît pas grand-chose en arts plastiques, comme il le démontre en faisant référence à la peinture flamande ou à Duchamp. Ce type qui estime que ses lecteurs sont incultes et stupides trouve moyen de confondre avec panache cubisme et futurisme... Le nadir est atteint lorsque, lors du résumé de Troïlus et Cressida, il explique que le personnage d'Achille (on parle bien d'Achille, le héros grec) réussit à se battre seul contre mille grâce à son talon. Je répète : grâce à son talon. Coquille ? Elle est un peu grosse. Maladresse d'écriture ? Peu probable, même si Gérard Hocmard n'est pas très doué en la matière : il faut parfois relire deux ou trois fois ses phrases pour qu'elles deviennent intelligibles, tellement elles sont mal construites. Je passe sur le fait que l'analyse de l'oeuvre se révèle au fur et à mesure de plus en plus répétitive, que le thème de l'illusion et de la mise en abyme sont traités un peu par-dessus la jambe (c'est pas comme si c'était un sujet récurrent du théâtre baroque européen et, en l'occurrence, shakespearien). Et que Hocmard considère que les lecteurs ou spectateurs du Roi Lear sont trop bêtes pour comprendre que les filles aînées du roi, Goneril et Regan, se montrent hypocrites avec leur père lorsqu'elle lui affirment l'aimer plus que tout... (je crois avoir déjà dit que Hocmard prenaient les gens pour des cons et que ça m'agaçait au plus haut point)


Donc, voilà un outil qui vous permet de réviser ou d'aborder Shakespeare vite fait bien fait (ça se lit vite), car il recense indéniablement les grand points qu'il faut impérativement connaître pour comprendre de façon générale le théâtre shakespearien. Maintenant, je suis persuadée que n'importe quelle personne qui connaît un tant soit peu Shakespeare, qui n'écrit pas trop mal et qui se donne un minimum de peine est capable de commettre un ouvrage tout aussi utile... voire plus pertinent. Je conclurai par cette affirmation terriblement subversive : ce livre nous prouve brillamment que les enseignants de classes préparatoires (comme c'est le cas de Gérard Hocmard) ne sont pas forcément des lumières.

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le 22 mai 2016

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