Sorcières
8
Sorcières

livre de Mona Chollet (2018)

Sous les fines analyses, quel positionnement social ?

Grand fan de "La tyrannie de la réalité" et "Chez soi", ainsi que lecteur de littérature féministe de façon régulière, je partais confiant dans la lecture de "Sorcières" : porté par un engouement général, le livre promettait de préciser encore une pensée agrippant les enjeux contemporains des rôles que les femmes doivent/peuvent/veulent prendre aujourd'hui.
Et sur ce point, réussite : à travers les figures détestées des femmes par les hommes (enfin, le patriarcat, lequel se décline et s'intériorise aussi dans les esprits de femmes), l'autrice rappelle que cette haine provient principalement du fait qu'elles menacent, concrètement ou symboliquement, les privilèges sociaux masculins.
Pourtant, le livre donne le sentiment de manquer d'un certain liant, ou d'une certaine toile de fond qui permettrait de mieux juger de notre accord avec ses argumentaires. Dans mon cas, ce fut pour le chapitre qui concerne le non-désir d'enfant, qui est pour partie porté par un discours sur la volonté de développement et d'accomplissement personnel. Devenir mère, cela voudrait dire vivre avec un boulet qui nous empêche de gravir des sommets, de nous dépasser et de nous accomplir.
Oui, mais depuis quel point de vue social ? Celui d'un idéal bourgeois d'individualité intellectuelle poussée au bout de ses capacités de production, dans un geste désintéressé de leg d'un bien au monde pour qu'il devienne meilleur ? (Au lieu, comme on peut le lire dans Sorcières, de mettre des enfants dans un tel monde déglingué, pollué, etc.?). On sent un peu cela sans pouvoir l'affirmer (Mona Chollet ne mobilisant pas sa situation personnelle pour cet argumentaire-là, tandis qu'elle peut le faire pour se mettre au niveau de madame tout le monde à d'autres occasions, comme affirmer sa vulnérabilité face à l'autorité médicale).
Bien qu'elle prenne beaucoup de précautions pour ne pas juger les femmes qui font le choix de la maternité (le propos du livre étant bien entendu de légitimer des choix encore perçus comme étranges, et non de critiquer des choix accepté comme mauvais car dans la norme), ce chapitre en particulier me semblait périlleux - ma lecture ayant ses limites aussi puisque je suis un homme, père, et qui adore la paternité. Bref, en savoir plus sur l'endroit d'où parle Mona Chollet, socialement, aiderait à mon humble avis à mieux se saisir de certaines de ses idées, sans pour autant les réduire à des opinions applicables à elles seulement.

IIILazarusIII
7
Écrit par

Créée

le 28 oct. 2018

Critique lue 966 fois

5 j'aime

2 commentaires

IIILazarusIII

Écrit par

Critique lue 966 fois

5
2

D'autres avis sur Sorcières

Sorcières
Noèse
6

Critique de Sorcières par Noèse

J’aime bien le travail de Mona Chollet en général. Je trouve que Beauté fatale et Chez soi partagent la vertu d’être des synthèses intelligentes, claires et documentés, sur des sujets qui prêtent...

le 23 sept. 2018

34 j'aime

6

Sorcières
BlueX
6

Travail important mais qui oublie une grande partie des femmes

Ma note est un peu sévère sans doute dû au succès et à la promotion que Sorcières à reçu. Mona Chollet fait un travail journalistique très impressionnant, tout est super bien référencé, on sent...

le 17 janv. 2021

13 j'aime

Sorcières
hubertguillaud
7

Des normes sociales

Avec "Sorcières", la journaliste Mona Chollet signe un livre très accessible, qui se révèle une passionnante réflexion sur la puissance des normes culturelles qui s'imposent à nous. En explorant...

le 19 janv. 2019

12 j'aime

Du même critique

Forrest Gump
IIILazarusIII
9

Pas l'histoire d'un idiot, l'histoire d'un "surhomme".

Forrest Gump est pense-t-on souvent l'histoire d'un idiot, qui est le prétexte à revisiter l'histoire des U.S.A.. Son regard naïf est idéal pour nous permettre de revivre ces moments clés avec une...

le 10 déc. 2010

207 j'aime

16

Wall-E
IIILazarusIII
9

Un poème, un poème.

Mettre 9 à Wall-E ça me fait bizarre, mais quand je clique sur 8 je ressens comme un sentiment d'injustice. Les plus scrupuleux me pardonneront cet accès de générosité. Wall-E, je le vois comme un...

le 17 déc. 2010

102 j'aime

11

Hotline Miami
IIILazarusIII
9

Un délice pour philosophe.

Alors là faut pas déconner. Hotline Miami est énorme. É-no-rmeuh. C'est une expérience intraitable sur la représentation de la violence. Mais attention : bien qu'ils soient délicieux, je ne parle ni...

le 11 janv. 2013

89 j'aime

10