Soumis à un vrai écrivain !
Je suis un lecteur assez inconditionnel de Michel Houellebecq, le romancier plus que le poète et le photographe. J'avoue que la polémique du mois de janvier dernier m'a fait reculer quant à la lecture de son dernier ouvrage. Le thème, l'hystérie qui a accompagné la sortie de "Soumission" et peut être, de manière totalement irraisonnée et idiote, l'image de clodo intello qu'il affiche, ont fait que je ne me suis pas précipité pour acheter ce roman. Et puis, une fois retombée le bazar médiatique, je n'ai pu résister. Je me suis plongé dans ce qui a éclipsé tant de parutions de ce début 2015 et, je l'avoue, j'ai été conquis. Bien plus prenant que "La carte et le territoire" ou "La possibilité d'une île", on retrouve le Houellebecq d' "Extension du domaine de la lutte" et des "particules élémentaires" , celui qui propose une vision sans fard de nos sociétés.
Je le dis d'emblée, lire Houellebecq renvoie dans les cordes un nombre incalculable d'écrivains connus. Car en plus d'écrire magnifiquement, il a des idées (qui plaisent ou pas, mais qu'importe) et surtout il sait trousser un roman mêlant une intrigue avec un personnage central assez mou voire nihiliste, une vision très pointue de notre société et une évocation de Joris-Karl Huysmans sans jamais ennuyer le lecteur et je dirai même plus, en l'incitant à ne jamais lâcher son livre.
Oui, "Soumission" a été pour moi un vrai "tourne pages", un réel plaisir de lecture. Sous des airs faciles, c'est terriblement stimulant à lire car composé de différentes strates qui offrent plusieurs niveaux de lecture.
Il y a d"abord le narrateur, François, prof à la Sorbonne, spécialiste de Huysmans. Il subit sa vie plus qu'il ne la prend à bras le corps. Célibataire, ayant quelques aventures avec des étudiantes, il va bien vite se retrouver totalement seul et à la retraite à quarante quatre ans depuis que le partie islamiste d'un dénommé Ben Abbes est au pouvoir et a privatisé l'éminente faculté. N'ayant pas voulu devenir musulman et profitant de conditions financières exceptionnelles, il va vivre une vie de retraité prématuré entre maladies gênantes, coïts tarifés et sans envie avec quelques escorts girls trouvées sur le net et questionnements sur une possible foi. Ce personnage central se trouve pris dans une fable politique assez mordante dont le propos est l'islamisation d'une France totalement endormie par des élites et des médias s'inclinant devant ce pouvoir inédit.
Mais le roman, malgré tout ce que l'on en a dit ne se résume pas non plus qu'à cette politique/fiction sensationnelle. C'est aussi, une biographie de Huysmans, auteur pointu et exigeant qui, se tourna vers la religion catholique dans la dernière partie de sa vie. Cette évocation n'est pas un hasard car le cheminement de l'écrivain et du prof de fac, leurs interrogations aussi, sont similaires à un siècle de distance. Ce propos qui peut sembler ardu, Houellebecq arrive à le placer au fil du récit de façon naturelle, passionnante, sans jamais ralentir l'action.
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