" Ne jamais se rendre est, à propos de tout, toujours toute la question. "

Quel livre !

Talon rouge n'est point seulement une biographie de Jules Barbey d'Aurevilly, additionné d'une présentation et d'une définition de ce phénomène célèbre mais dont on ne sait finalement peu de chose qu'est le dandysme. C'est bien plus que cela. Ce que nous propose Arnould de Liederkerke, et ce qu'il réussit admirablement bien, c'est de nous projeter au XIXème siècle, de nous faire marcher aux côtés des grands noms du siècle, d'arpenter le Boulevard du Gand, de nous asseoir à une table de Tortoni, du Café Anglais, du Café de Paris, c'est de nous donner une représentation très précise, très imagée - et colorée - des dandys, de Brummell, de Custine, de Barbey, des autres. C'est la peinture d'un siècle fait de changements, de ruptures violentes, de nombreux épisodes et idéologies politiques, un siècle tout en lambeau encore de la Révolution dans le coeur de certains, c'est un siècle dont le sang se refroidit, le siècle des gens "tièdes" et des contestataires, le siècle du matérialisme et de la modification de tout, le siècle de la massification et de la bourgeoisie, le siècle du profit. Il nous projette également au milieu des querelles entre les hommes, les écrivains et les journalistes, nous raconte les scandales, les rumeurs, les amitiés, les haines, les huîtres au chocolat chaud de Saint-Cricq le Fou. A l'aide d'anedcotes croustillantes et de délicieuses citations écrites d'une plume "au vitriol", Arnould de Liederkerke nous retrace, non sans humour, toute l'évolution de l'époque dandy, ses initiateurs, ses grands modèles, ses caractéristiques, ses admirations, ses détestations, ses admirateurs, ses détracteurs, ceux qui suivent le mouvement, ceux qui le font bien, ceux qui le font mal, ceux qui le décrivent. Et au milieu de cela, Barbey, Barbey le Maître, Barbey le Connétable. On le voit marcher, vêtu de toute sa superbe, on revoit ses cannes, ses extravagances, ses limousines, on retrouve son cynisme, son ironie, ses bons mots cinglants, sa célèbre et inégalée répartie, ses fascinations ; on se heurte à son masque, puis on a l'infime privilège de le voir soulevé et de découvrir en dessous un homme fragile, hantés de souvenirs, de rêves, d'espoirs brisés, de désillusions, ulcéré du dégoût de son temps, du progrès, des bourgeois. L'homme étonne, l'homme dérange par ses écrits, l'homme se met les autres à dos, l'homme qui méprise, l'homme qui cingle les autres, l'homme qui se démarque, l'homme qui a ses passions, l'homme qui a ses vices, l'homme qui n'abandonne jamais, l'homme du dandysme, l'homme qui ne se rend pas - ne se rendra jamais.

Avec une écriture riche, ironique, des phrases courtes, quelques jugements, de nombreuses citations et anecdotes relatées par les uns et les autres, riche d'informations et riche d'hommes (et de femmes), Arnould de Liederkerke nous offre ainsi un livre qu'on a du mal à lâcher et qui dresse le portrait du Tout-Paris-Dandy, nous donnant à voir l'envers d'un siècle qu'on croit connaître, mais qu'on connaît en vérité bien peu.
FlorianneB
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le 22 nov. 2012

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le 22 nov. 2012

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