En matière d’exploration spatiale, les années 90 semblent bien loin. Pensez donc : les navettes spatiales volaient encore, on parlait toujours de la station Mir et Mars restait cette planète maudite sur laquelle un tas de missions venaient s’échouer misérablement. On peut supposer que cette situation a dû beaucoup travailler un auteur de science-fiction comme Stephen Baxter. En 1997 il sort d’ailleurs un livre dans lequel il relate l’histoire improbable d’un voyage habité vers Titan, le plus gros satellite naturel de Saturne. Dans un siècle ? Non, dès maintenant. Titan, car c’est son nom, constitue le second volet de la « Trilogie de la NASA » après Voyage (qui décrivait, lui, un voyage habité vers Mars dans les années 1980). Il peut se lire tout à fait indépendamment, n’étant pas du tout conçu comme une suite, mais les deux opus partagent des thèmes évidents. Cette fois par contre, l’auteur britannique ne revisite pas le passé mais s’attaque à l’avenir tout proche, à ce début de XXIème siècle qui s’annonçait.

L’aventure relatée dans ce livre comporte deux éléments déclencheurs. Le premier n’est autre que la découverte de traces de vie sur Titan par la sonde européenne Huygens, qui devait réellement s’y poser quelques années plus tard. Le second élément est, lui, aussi dramatique que visionnaire. Si Stephen Baxter touche dans le mille concernant la nature de cet accident, qu’il est inutile de décrire ici, il y a par contre vu rien de moins que la fin du programme spatial américain. Dirigée par un administrateur cynique chargé de la démanteler, la NASA jette alors ses dernières forces dans la bataille pour mettre sur pied une ultime mission : poser le pied sur Titan après un voyage de six ans. Peut-être, se dit-on, un tel projet permettra à l’exploration spatiale de renaître de ses cendres encore fumantes, malgré la pression d’une opinion publique indifférente et d’une armée hostile.

S’il y a quelque chose à dire d’emblée sur ce livre, c’est qu’il est incroyablement déprimant. Il en transpire une mélasse gluante et permanente, le désespoir matérialisé par un ultime baroud d’honneur. Là où Voyage rêvait d’un passé audacieux, Titan envisage un avenir en déroute. Les Etats-Unis y apparaissent complètement repliés sur eux-mêmes et l’instabilité règne. Paradoxalement, avec du recul, l’avenir sombre imaginé par Baxter peut faire sourire tellement il est exagéré, déformé, presque grotesque, et semble surtout décrire les peurs de l’auteur, même s’il n’est pas toujours dénué de pertinence. Heureusement, me direz-vous, il y a le voyage spatial, cet incroyable périple vers Saturne et ses magnifiques anneaux, qui contrebalance le marasme terrestre, n’est-ce pas ? Non, pas vraiment. Cette mission folle fait plutôt écho au malaise général, et le sort de ses occupants isolés à bord d’une coquille de noix pendant six longues années, aussi idéalistes et casse-cou soient-ils, ne paraît pas si enviable. L’ambiance à bord, si l’on peut dire, ne remonte en tout cas pas le moral déjà passablement amoindri du lecteur.

Le paradoxe, c’est que Titan se dévore à peu près aussi goulûment que Voyage, pour peu que l’on nourrisse une passion dévorante pour l’exploration spatiale sans fard. Rien ici n’est pensé pour faire joli. Excepté un passage surprenant par son style, le langage utilisé par Stephen Baxter est toujours aussi technique, voire clinique, parfois jusqu’à l’écœurement selon le sujet évoqué. Sur le fond, c’est comme si l’écrivain avait rassemblé toutes ses craintes quant à l’avenir dans le but de s’en débarrasser une bonne fois pour toute. Il peut quasiment se résumer au besoin d’assurer sa fuite lorsque tout part en vrille, pour sauver ce qui peut l’être. Heureusement, quelques instants de bravoure viennent percer la lourde atmosphère de Titan aux moments opportuns, offrants quelques minutes d’espoir au lecteur dévasté par ce bloc dense et désenchanté.
Nonivuniconnu
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le 9 mars 2015

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