Turlupin
7.7
Turlupin

livre de Leo Perutz (1924)

Et si l'Histoire n'avait pas de sens? Et si elle n'était pas l'œuvre de Grands hommes, mais le résultat d'actions absurdes menées par des personnages insignifiants? C'est ce que Perutz donne à entendre dans ce roman pseudo-historique plein d'humour et d'aventures.


Le héros de ces pages, Tancrède Turlupin, est barbier-perruquier dans une modeste boutique parisienne ; mais c'est surtout "un rêveur, plein de bizarreries". Enfant trouvé, il s'interroge sur ses origines jusqu'au jour où, au cours d’un enterrement, il aperçoit la duchesse de Lavan, une dame de la haute noblesse. Dès lors, Turlupin pense avoir élucidé le secret de sa naissance : il est le fils caché de la duchesse et l’héritier du titre ducal. Mais comment s’introduire dans la demeure des Lavan, lui, pauvre jeune homme aux habits rapiécés ? C’est alors que notre héros est pris dans la tourmente de l’Histoire. En 1642, sous le règne de Louis XIII, un conflit oppose le cardinal de Richelieu à la noblesse française, prête à tout pour maintenir ses privilèges. Dans les rues de Paris, une rumeur annonce « le grand jeu de volant », un événement qui doit survenir à la Saint Martin et qui bouleversera profondément le visage de la France. Le parti de Richelieu manipule secrètement le peuple pour faire massacrer tous les aristocrates rebelles dans la nuit du 11 novembre 1642. Et voilà Turlupin embarqué bien malgré lui dans le complot. Pourvu des habits et de l’identité d’un gentilhomme, il est envoyé dans la maison du Duc de Lavan en tant qu’espion, alors que lui n’aspire qu’à rencontrer sa noble mère. S’en suivent de multiples péripéties et des quiproquos savoureux. Le burlesque est présent à chaque page et, au fil du récit, on apprend à aimer ce héros aussi naïf qu’attachant. Le dénouement n’en sera que plus tragique… Il n’empêche qu’un simple barbier aura retardé de 150 ans la révolution française ! Enfin, c’est Perutz qui le dit.


Encore un magnifique petit roman où l’imagination et l’humour de Leo Perutz parviennent à nous mystifier. Bien que la « révolution avortée de 1642 » n’ait jamais existé, l’ingéniosité diabolique de l’auteur est telle qu’elle nous fait douter. Perutz n’est-il pas allé jusqu’à créer de toute pièce de fausses sources historiques ?! Car la confusion entre le rêve et la réalité est un thème récurrent dans l’univers « perutzien ». Une fois entré dans ce monde onirique, impossible de s’en extraire sans connaître le fin mot de l’histoire. C’est là toute la magie narrative de Leo Perutz.

Bianca_Flo
10
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le 16 juil. 2018

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