Dernier livre d'Abdellah Taia.
Cet auteur marocain, dont j'ai admiré l'écriture dès son premier roman.
Cet écrivain et citoyen, je l'ai trouvé courageux dans son engagement pour la représentation de l'homosexualité au Maroc. Dans le magazine TelQuel , il écrit un article en 2009 où il s'adresse à sa mère avec honnêteté, il lui parle de son homosexualité et en se révélant admet d'endosser le poids d'une société encore conservatrice et religieuse qui ne tardera pas.
En somme, c'est une personne que je trouve courageuse et admirable.


Cependant, en ce qui concerne ce roman, je suis très mitigé. Je ne comprends pas bien où il souhaite nous emmener. Les personnages de ce livre sont pris dans leur surface, leur pellicule extérieure. C'est le récit croisé de personnage populaire, souvent migrant ou réfugié, qui pour la plupart habite le Nord de Paris. Comme l'auteur.
Ces personnages ont du corps, sont présents. On se les représente bien. Mais en ce qui me concerne, je ne crois pas en leurs interactions, en leur rencontre. Et qui plus est, je trouve que leur rencontre n'apporte rien à la compréhension de ces personnages.
Là, où j'avais l'habitude de voir cet auteur comme celui de la lumière, celui qui puise dans les ressources de ces personnages, dans leurs parts sombres et originellement complexes. Je trouve ici qu'il les misérabilise, ils ne les élèvent pas, il ne leur rend pas leurs dignités comme il a pu le faire dans la plupart de ces romans. Je ne comprends pas cet abattement mélancolique.


J'ai lu ce roman bien avant d'écrire ces quelques mots. Il me semble donc intéressant de repenser ce livre et ce titre, au travers de l'actualité qui traverse la France et l'Europe.
Pourquoi des êtres humains se ruent pour vivre dans les mêmes endroits que nous - occidentaux, européen? Serait ce, comme le titre le préconise, pour pouvoir y mourir?
Je ne crois pas, je crois que si ces gens viennent, décident - souvent contre leur gré - de venir vivre ici, c'est pour se poser, recommencer à vivre, imaginer un futur et être acteur de leurs rêves.


Alors, la question que soulève ce livre serait plus : est ce que notre pays, au sein de l'Europe, est le plus armée pour cela? Pour aider les gens à se relever et à reprendre leurs dignités?
Pour lui, non. Son constat est cinglant, la France ne semble plus qu'être une terre de passage, comme le vit le personnage - Mojtaba - Iranien et homosexuel dans ce livre, un territoire où l'espoir n'est plus permis. Et où l'avenir meilleur se trouve toujours plus au Nord.
Et c'est à cet endroit que je ne suis pas en accord avec cette posture de défaite, et d'abattement de tous ces personnages. Et c'est là où je ne comprends plus où nous emmène l'auteur. A partir du moment où il ne prend plus soin de ces personnages, où il ne leur offre que des impasses. Je me sens gêné et outré de devoir aller dans le mur avec eux, et ce n'est pas la lettre d'adieu que laisse derrière lui le jeune Iranien qui me permet de renouer avec l'espoir.

ThomasParis
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le 30 août 2015

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