Ils sont trois. Soldats allemands envoyés par leur hiérarchie débusquer des juifs cachés dans la forêt polonaise en plein hiver, ils affrontent des conditions climatiques épouvantables. Peu leur importe, ils préfèrent la chasse à l’homme aux fusillades, des fusillades qui les dépriment et dont ils rêvent la nuit. S’ils ne ramènent personne ils ne seront pas autorisés à battre à nouveau la campagne le lendemain. Alors ils cherchent, malgré le froid qui rentre par les yeux et se répand partout « comme de l’eau gelée qui serait passée par deux trous. » Un peu par hasard, ils finissent par en trouver un. Un jeune juif qui pourrait être leur fils. Alors que la faim leur vrille les entrailles, ils aperçoivent une maison abandonnée. Ils forcent la porte d’entrée, rallument le poêle et décident de se préparer une soupe avec le peu de vivres dont ils disposent. Ils accueillent peu après un polonais et son chien et le laisse s’installer près d’eux parce qu’il porte sur lui une bouteille d’alcool de pomme de terre dont ils vont pouvoir profiter. Commence alors un étrange huis-clos entre trois soldats allemands, un prisonnier juif condamné à une mort certaine et un polonais antisémite réunis autour d’un repas en hiver…

Un roman glaçant. Le froid, la guerre, le ciel gris et bas, la neige, la faim. Et puis le malaise qui s’installe à l’arrivée du polonais. Son attitude haineuse à l’égard du juif réveille chez les soldats un soupçon d’empathie envers leur prisonnier. Ils savent pourtant qu’il ne faut rien ressentir pour ceux qu’ils capturent. Mais l’un d’eux ne peut s’empêcher de proposer que celui-là, on le laisse partir : « je veux […] pouvoir me rappeler de celui-là quand j’en aurais besoin. » Seulement, un seul ne suffira pas à oublier, à effacer tous les autres.

Hubert Mingarelli ne cherche pas à faire passer d’infâmes salauds pour des gens biens. Il n’y a dans son texte ni salauds, ni gens biens. Juste des hommes, dans toute leur complexité. Impossible, malgré leur statut, de ne pas trouver chez ces soldats une pointe d’humanité et une bonne dose de fraternité. C’est toute la complexité et la richesse de ce court roman aux dialogues ciselés. Le style est direct, les descriptions d’une précision clinique et l’ensemble se lit d’une traite. Aussi beau que dérangeant.
jerome60
7
Écrit par

Créée

le 21 oct. 2012

Critique lue 211 fois

1 j'aime

jerome60

Écrit par

Critique lue 211 fois

1

D'autres avis sur Un repas en hiver

Un repas en hiver
Ninaintherain
8

Critique de Un repas en hiver par Nina in the rain

Et me voilà donc avec une furieuse envie de lire des choses légères, d’adapter mes visionnages de films romantiques à mes lectures sinon je vais devenir folle, deux semaines que je n’ai pas réussi à...

le 23 nov. 2012

Du même critique

Dans les forêts de Sibérie
jerome60
8

http://litterature-a-blog.blogspot.com/2011/12/dans-les-forets-de-siberie-calendrier.html

Sylvain Tesson s'est fait un serment : avant ses 40 ans, il vivra plusieurs mois dans une cabane. Direction donc le fin fond de la Russie, sur les bords du lac Baïkal. De février à juillet 2010,...

le 17 déc. 2011

32 j'aime

1

Le Guide du mauvais père, tome 1
jerome60
7

Critique de Le Guide du mauvais père, tome 1 par jerome60

- Papa ! C'est quoi la pénétration ? - La pénétration c'est quand le monsieur est sexuellement excité et que son pénis devient tout dur. Ça s'appelle une érection. Ensuite le monsieur fait entrer son...

le 5 janv. 2013

27 j'aime

1