Une histoire des loups est le premier roman de l'américaine Emily Fridlund, best-seller dès sa parution aux Etats-Unis, il arrive en France en août 2017 dans la collection Nature Writing de Gallmeister. Roman repéré chez Les Nuits Blanches à Nantes, il faisait partie des coups de coeur du libraire. Coup de coeur transmis et preuve nouvelle que je peux apprécier la littérature américaine et ses grands espaces à leur juste valeur.


Une ode à la nature


L'histoire se déroule au coeur des Grands Lacs américains, là où les hivers sont rudes et les étés caniculaires. Dès le mois de novembre les eaux se figent en glace, la ville de Whitewood ne reprend vie qu'au début de l'été lorsque les touristes s'installent sur les bords de Loose River pour pêcher le doré jaune.


Madeline vit aux confins d'un chemin forestier, la forêt est son domaine, le lac sa libération lorsque l'été elle peut y voguer en kayak. Elle dort dans une cabane spartiatement aménagée par un groupe de hippies fondé par ses parents dans les années 1980. Lorsque cette communauté libre s'éparpille au grè d'inévitables conflits, la mère de Madeline troque sa philosophie hippie pour le dogme chrétien. Son père lui est taiseux, il chasse en hiver, pêche en été, se cache pour boire et écouter le sport à la radio.


Si Madeline évolue au coeur d'une vie sauvage elle n'en est pas moins une adolescente américaine qui se rend au collège chaque jour. Mais elle est plus observatrice que contributrice, elle évolue à l'école comme elle se faufile entre les arbres, sans y troubler la faune.


La famille du lac


C'est ce sens de l'obsvervation qui va mener Madeline au jeune Paul et à sa mère Patra. Cette petite famille aisée et citadine est l'exact opposé de l'adolescente sauvage et introvertie. Madeline devient la gardienne de Paul et pénètre progressivement dans l'intimité de ce foyer qui lui semble si stable et confortable. Un membre de cette famille lui échappe en revanche, Léo, le père scientifique demeuré à la ville et pourtant omniprésent dans l'esprit de Paul et Patra.


"Quelle est la différence entre ce qu'on veut croire et ce que l'on fait ? C'est la question que j'aurais du poser à Patra..."


Emily Fridlund berce le lecteurs de mystères tout au long du roman. D'emblée une dualité s'installe et une interrogation demeure : qui de Madeline ou de la famille du lac va faire plonger l'histoire dans la tragédie ?


Dès les premiers chapitres l'auteure glisse une phrase clé : "pendant le procès, ils demanderaient sans cesse : "quand avez-vous compris que quelque chose ne tournait pas rond?".


Madeline est sauvage, Patra est aveugle et docile, Léo est monomaniaque, Paul est un petit garçon brillant et imaginatif. La balance des qualités et des défauts penche dangereusement du côté des adultes de l'histoire.


"Linda, tu te doutes qu'un véritable scientifique se doit d'être plus rigoureux que ça. Il doit confirmer ses hypothèses de départ avant de décider ce qui est vrai. Par exemple, un bon biologiste commence toujours par se demander : quelles conditions estimons-nous être indispensables à la vie ?"
Emily Fridlund livre ici un roman magistral, poétique et mystérieux. Il s'agit d'une dénonciation tragique des religions et des philosophies et de leur pouvoir pernicieux sur les Hommes. La nature est d'abord omniprésente mais laisse vite place à un thriller troublant. On se remmémore ainsi le très bon Sukkwan Island de David Vann dans ce moment où la nature prodigieuse se métamorphose en enfer.


J'accorde mes violons à d'autres critiques indécises quant à la narration de Madeline qui alterne entre les flashbacks de sa vie d'adolescente et de sa vie d'adulte. D'autres personnages qui gravitent autour de l'héroine - Lily et M.Grierson - sont présents pour permettre au lecteur de cerner la personnalité de Madeline mais aussi de l'ancrer dans la vie réelle d'une adolescente américaine. Les brefs passages où on les croise cependant syncopent quelque peu le récit.


Les plus : les lieux prodigieux du récit que Fridlund décrit parfaitement. Le mystère qui tient le lecteur en haleine car ponctué de quelques indices subtilement selectionnés. Ma réconciliation avec la littérature des grands espaces américains.
Les moins : la syncope du récit de la vie adolescente et adulte de Madeline, l'histoire de Lily dont je ne pense pas avoir compris la place dans le roman.


Douce lecture !

Dadou-lit
8
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le 19 janv. 2018

Critique lue 367 fois

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Dadou-lit

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