L'idée est dans le titre : réussir à dérouler un fil narratif au moyen de symboles qu'on voit quotidiennement et d’émoticônes expressives (des "pictogrammes totalement inventés", d'après la quatrième de couverture). C'est assez bien mené malgré quelques passages un peu plus casse-tête.
Mais rien de très passionnant dans la journée d'un businessman constipé qui navigue sur des sites de rencontres en ligne et qui hésite entre McDonald's et KFC pour le repas de midi (on n'échappe pas à la pub). D'ailleurs, ressortir les logos de quelques fast foods et les graphismes de quelques jeux vidéos invalide l'hypothèse d'originalité totale des pictogrammes. La lecture est un peu plus lente qu'à l'accoutumée (et il serait intéressant de savoir dans quelle mesure quelqu'un qui ne sait pas lire comprend l'histoire). Mais l'impression qui dominait était : je me suis donné tout ce mal... pour déchiffrer les problèmes de transit intestinal d'un individu ordinaire ?

C'est un peu dommage. Le concept a des potentialités intéressantes puisqu'une certaine liberté est laissée au lecteur qui peut meubler à sa guise l'enchaînement de deux symboles et interpréter différemment les nuances. On n'a plus de narrateur ! Et puis pas besoin de traduction, seulement de certaines conventions (qu'on ne partage pas tous : par exemple sur le sites de rencontres que visite le personnage, les gens indiquent leur groupe sanguin). On pourrait même y voir une critique sous-jacente de la société dans les pays développés (matérialisme, monotonie de l'existence...)

En y réfléchissant, il y a un autre point positif. En lisant le livre on ne peut pas imaginer que c'est autre chose qu'une sorte de photo de l'existence. On n'attend pas de conclusion, on n'a pas de présentation des personnages, chaque événement n'existe que pour lui, il n'est pas ordonné en vue d'une fin, et en cela il force le lecteur à reconsidérer sa lecture d'un livre. Peut-être qu'une autre lecture est possible : oublier que chaque événement tend vers une conclusion, a une cohérence dans le schéma narratif. Pour le personnage qui les vit ils n'ont de cohérence qu'au moment où il y repense. Finalement, la médiocrité de l'histoire racontée et la médiocrité du personnage, qui ne laissent aucune place à l'exceptionnel, peuvent être une manière cohérente de restituer notre rapport au réel : comme l'aurait dit Sartre, le futur n'est pas déjà là...

Ou alors j'essaie juste de trouver une justification théorique à un bouquin qui a reçu un accueil assez élogieux.
Slather
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le 19 avr. 2014

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