Cinq cents livres de rente et une pièce à soi

Déjà à son époque, Virginia Woolf répondait à des justifications encore bien ancrées aujourd’hui quant à la méconnaissance généralisée sur les femmes autrices : ces dernières ne sont pas moins connues parce qu’elles sont moins douées que les hommes auteurs. Ou, pour le moins, si les autrices de l’époque n’ont pas encore atteint le niveau des plus grandes œuvres littéraires masculines, ce n’est pas le fait d’une quelconque essence féminine qui les rendrait plus mauvaises en écriture par le fait de la nature.


En six chapitres, Woolf démontre la manière dont les conditions matérielles d’existence des femmes influent sur leurs véritables capacités à écrire. Sans éducation appropriée, dans une pauvreté matérielle qui conduit à la dépendance à l’égard du sexe dominant, il semble difficile qu’une expression authentique de soi puisse advenir, la femme se retrouvant dépossédée d’elle-même. Il se révèle également nécessaire à la femme autrice de s’affranchir du regard masculin, sans quoi elle n’écrira ni n’existera jamais pour elle-même. Si les femmes ne deviennent pas aussi matériellement libres que les hommes pour écrire, jamais elles ne pourront se départir d’une colère et d’une frustration aux racines profondes qui entacheront leur œuvre de façon insidieuse.


Ce sont avant tout les conditions de vie réelles des femmes qui les ont longtemps empêché d’écrire, et encore plus : de bien écrire. Pour se consacrer à cet art, une femme nécessite des mêmes avantages qu’un homme : cinq cents livres de rente lui assurant la subsistance, ainsi qu’une pièce à elle lui procurant un endroit d’intimité où les enfants ne l’incommoderont pas en plein processus de narration. Ce constat, à l’apparence bien peu originale, se montre néanmoins essentiel et dépasse la simple sphère de la littérature : pour être libre, encore faut-il avoir dépassé le stade de la survie et disposer d’un lieu où l’intégrité est respectée.

Pekkachu
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Livres 2021

Créée

le 12 mars 2021

Critique lue 59 fois

Pekkachu

Écrit par

Critique lue 59 fois

Du même critique

Où va l'argent des pauvres ?
Pekkachu
9

« Pour réduire la pauvreté, il faut donner de l'argent aux pauvres »

Par cet ouvrage, Denis Colombi applique encore une fois à merveille la fameuse citation durkheimienne : « Nous estimerions que nos recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient...

le 9 janv. 2021

6 j'aime

Sorcières
Pekkachu
9

« Sorcières de tous les pays, unissez-vous ! »

L’autrice introduit son sujet en mettant en évidence le rôle essentiel qu’ont joué les chasses aux sorcières des XVIème et XVIIème siècles sur les générations successives de femmes. Même si le thème...

le 24 août 2020

4 j'aime

Origine
Pekkachu
7

Et rebelote

De ce livre résulte un bilan assez mitigé. D'une part, l'aventure de Robert Langdon nous permet de découvrir différents monuments culturels et architecturaux ainsi que diverses organisations...

le 15 janv. 2018

4 j'aime