Alexandre Bergamini dont les livres tombent goutte à goutte, à quelques années d'intervalle, dans le désert. Une eau rare et nécessaire, des mots lâchés dans la mélancolie, dans la légèreté parfois. Des touches qui montrent l'effacement, l'envie de se raccrocher à ses oubliés, sans les citer crûment, dans cette pudeur encore gonflée d'émotion, du deuil compliqué, de l'incompréhension. Le geste d'un frère, bien sûr, haute figure sportive arrachée à la vie de sa propre main, trop jeune.


Des écrits pour interroger la fin d'un être cher donc, comprendre de quoi est fait le gouffre qui les séparera à jamais. Alors des voyages, pour chercher l'autre dans le folklore international. Pour se retrouver aussi, parce que sa personne, Bergamini l'a abandonné aux mains du deuil et des angoisses.


Interroger les Japonais, se fondre dans les conversations de cafés. Aller dans les montagnes, s'asseoir et contempler silencieusement l'horizon de brume, un son de carillon dans la tête.


Le temps s'arrête à la descente du Shinkansen. Deux vieilles femmes le regardent, étonnées de voir ce garçon, que je veux imaginer frêle, dans un parka vert kaki, mais dont la mâchoire se dessine, carrée, pleine de puissance occidentale. Il est secoué par un bout de vent, par le manque de sommeil. Ses yeux caves cherchent un morceau de mur où s'appuyer. On ne s'attend pas, avec ses doigts grisés par la cigarette, de le voir tenir la plume et se confesser dans la vague inquiétude d'un voyageur sans destination, sac à dos presque vide, porté sur l'épaule.


Errance japonaise, en filigrane d'alcool et d'abandon. Il ne sait pas où il va et découvre la beauté des décors autour de lui. Sur le papier - de quelle manière ? s'inscrivent les impressions d'un monde qui n'est pas le sien, qui devient le sien. D'un livre à l'autre, on retrouve l'empreinte de Bergamini. Son vocabulaire fait d'effacements, de descriptions vaporeuses. On survole la mélancolie, l'observation en nuances grises, des choses. C'est un auteur touchant, de ceux qui se brisent à peine envolés.


Naïvement, le titre du livre donne la coloration à ce qu'on y lit. Inquiétude pour l'espace qu'il déploie autour de lui, pour cette crainte de le voir lui-même disparaître.


Puis l'herbe remue un murmure aux intonations japonaises...


Kagome Kagome Kago no naka no Tori wa
Itsu Itsu deyaru ? Yoake no ban ni
Tsuru to kame ga subetta.
Ushiro no shômen dâre ?


-> Critique publiée ici, aussi.

SPDD
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le 30 nov. 2021

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