EDIT hors-sujet mais qui me tenait à coeur :
Ce n'est pas parce que j'apprécie cette oeuvre que je cautionne certaines positions de Mme Despentes.


Sa tribune récente anti-Polanski (message édité le 02/03/2020) est à vomir. Elle l'est d'autant plus sachant qu'elle avait tenté à l'époque des attentats de Charlie Hebdo d'en dédouaner ses auteurs. Les personnes qui partagent cette tribune en boucle sans connaître la moitié de l'affaire et en faisant fi de ce 2 poids 2 mesures effarant feraient mieux d'y réfléchir.


Ce petit message hors-sujet, vous pouvez maintenant lire ma critique, positive, de la trilogie Vernon.




(critique globale des 3 tomes auxquels j'ai attribué la même note)


Au travers des mésaventures de Vernon Subutex, Virginie Despentes en profite pour dépeindre une succession de personnages de manière cynique, tendre, parfois drôle, et surtout détaillée. Ces différents personnages sont à la fois ancrés dans un mouvement de pensée bien défini (du "gauchiste" au "facho" par exemple), mais également suffisamment "ouverts" pour ne pas tomber (en tout cas la plupart du temps) dans des clichés qui auraient rendu l'ensemble lourdingue.


Un élément intéressant concerne la narration qui, concentrée sur les pensées de chacun, adopte pleinement leur point de vue. Cela provoque un sentiment de malaise assez constant, car on ne sait pas ce que l'auteure pense, elle. De fait, chaque lecteur de ce bouquin verra par moments certaines de ses convictions politiques malmenées, mais il ne saura jamais vraiment ce que l'auteure veut dénoncer. Comme si elle s'était mis en tête de synthétiser l'ensemble des opinions politiques de son époque, sans jamais vraiment prendre partie (ou plutôt en prenant systématiquement partie pour ses personnages).


On suit donc la descente aux enfers sociales de Vernon, ancien disquaire au chômage, qui se retrouve à la rue, et qui J'ARRÊTE TOUT DE SUITE SINON JE VAIS SPOILER.


Le premier tome est centré sur cette description complète de ces personnages qui se croisent. L'une des forces du roman est d'arriver à décrire les histoires passées de chacun des protagonistes pour ensuite embrayer sur leur présent brutal. Et du coup sur quelques points de jonction entre ces différents présents, qui forment un peu le sel dramatique du bouquin.


Le deuxième tome est dans la continuité directe du premier, mais le cœur narratif diffère et est centré sur la "nouvelle" vie de Vernon. L'ensemble se veut moins cynique et presque poétique, même si le style reste le même (heureusement d'ailleurs).


Le dernier tome enfin, toujours en continuité directe, se concentre (lui aussi) sur un autre arc narratif, et redevient par moments assez brutal. Sans spoiler, je tiens à dire que la fin m'a retourné dans tous les sens. On aimera ou pas, mais j'ai trouvé ça gonflé.


Alors que manque-t-il à mon sens à cette très bonne trilogie pour prétendre au statut de chef d'oeuvre ? Je dirais qu'en dépit des descriptions détaillées et assez subtiles des pensées des différents personnages, on trouve ci et là quelques traces de caricatures, qui semblent montrer que tout cela est plus "fabriqué" qu'honnête. Comme si l'auteure avait voulu tout traiter, mais du coup s'était par moments légèrement éloignée de ses "tripes" pour laisser place à une écriture plus mécanique. L'exercice est difficile j'en conviens, et il est tout de même globalement réussi. Peut-être tout de même que moins de personnages auraient permis de les développer davantage et de leur faire ressentir encore plus d'émotions et de pensées contradictoires ?


Par ailleurs, concernant certaines situations, je trouve que les réactions des personnages sont parfois trop attendues, particulièrement pour ceux qui se rapprochent de la catégorie fourre-tout et floue du "bobo". Ce problème est à mon sens toujours dû au surplus de personnages, qui les rend difficiles à rendre totalement cohérents et crédibles jusqu'au bout. Même si encore une fois, dans la globalité, c'est réussi.


En dépit de ces petits problèmes, cette trilogie se lit avec grand plaisir et un certain intérêt, il serait donc dommage de passer à côté, surtout qu'il permet d'avoir une synthèse (cynique et foutraque) de notre époque.

joseaxe9
8
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le 18 mars 2019

Critique lue 195 fois

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Jojo's Jar

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