Je l’ai vraiment apprécié ce bouquin. Le personnage d’abord, Ferdinand Bardamu qu’il s’appelle, encore plus déprimant que déprimé, il m’a plu. Ce qu’il faut dire en premier, sur ce Ferdinand, c’est qu’il est d’un nihilisme désespérant, il ne trouve aucune raison de vivre, aucune vérité transcendantale qui pourrait bien lui faire accepter l’idée de sa propre mort. Il y a trop de nuit autour de lui, comme il dit souvent. Alors pour trouver une raison de vivre, Ferdinand, il voyage, sur le globe mais aussi dans sa tête. Il part à la guerre, et ça le traumatise pour de bon. Alors il s’en va au Cameroun, mais là-bas non plus son cas s’arrange pas, il fait trop chaud, même sous un ventilateur. En Amérique enfin c’est le pompon, entre les machines assourdissantes et cette espèce d’indifférence générale des gens du nouveau monde qui ne regardent pas autour d’eux, qui n’entendent rien, perdus dans le bruit d’eux-mêmes. C’est là qu’il revient en France, pour étudier et obtenir son diplôme de médecin. En somme, il essaie d’en sortir de la nuit, et son voyage, c’est comme une quête de sens désespérée. Mais je crois bien qu’il en sort pas, Ferdinand, de la nuit, il en trouve pas le bout.


Derrière cette sombre histoire, il y a également un panorama stupéfiant de ce fascinant premier tiers du XXe siècle, et comme Céline, l’auteur, il l’a bien connu ce premier tiers, alors le livre peut se voir comme un semblant de document d’archive historique.


Puis aussi il y a ce style, que j’essaie à présent d’imiter, sans vraiment y arriver ni même savoir pourquoi je le fais. Ça m’occupe dans un sens. Quand je lisais les mots de Céline, c’était la voix et la gouaille de Jean Gabin qui résonnait dans ma cervelle. Faut dire qu’il a quand même inspiré Audiard, Céline, pour ses dialogues fameux. Mais Michel Simon l’a remplacé, Gabin, je crois, lorsque je l’ai entendu lire un petit passage du livre, avec cette voix qui vient des profondeurs des entrailles, qui se glisse avec peine à travers une gorge abîmée et qui sort, graveleuse, par une énorme bouche tordu.


En revanche, je me rends compte maintenant que l’effet de surprise et de nouveauté qui a frappé tant de lecteurs confrontés à une langue orale écrite type célinienne, il m’a pas saisi, parce que j’avais déjà lu Houellebecq et que son travail s’inscrit dans la même dimension poétique.
Décidément, je l’ai adoré ce livre. Mais il faut me laisser le temps que je le digère, et que je laisse le texte infuser, alors je vais arrêter ici d’écrire, qu’on n’en parle plus.

Amarogg
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le 5 avr. 2021

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Amarogg

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