Wild
8.1
Wild

livre de Cheryl Strayed ()

Ayant adoré le livre Into The Wild (je suis fasciné par l'histoire de Christopher McCandless), je m'attendais - sans doute naïvement - à retrouver une puissance émotionnelle similaire à la lecture de Wild (et puis forcément, le titre prête à confusion). Malheureusement, ce ne fut pas le cas.


Les démarches de Christopher McCandless et de Cheryl Strayed peuvent paraître comparables au premier abord (partir seul, parcourir les routes, sac sur le dos) alors qu'au final elles sont sensiblement différentes, et c'est d'ailleurs ce qui sépare la fascination que peut exercer le parcours de McCandless et le manque de mystère que m'évoque celui de Cheryl Strayed.


Au-delà du destin de ces deux personnes, on peut difficilement comparer les livres qui racontent leurs histoires. Into The Wild est un travail journalistique (de l'auteur, Jon Krakauer) qui se veut plus ou moins objectif et qui cherche à comprendre les motivations d'un jeune homme qui fuit la société à la recherche d'un absolu, à la recherche de soi-même.


Mais au fond, l'intimité et les pensées de McCandless nous restent à jamais inaccessibles, ce dernier demeure ainsi une figure romantique, intrigante, qui trouve écho en chacun de nous selon nos propres sensibilités. On y transfère ce que l'on veut. Et le tragique de l'histoire transcende la portée du destin de McCandless, même si Jon Krakauer se garde bien d'en faire un modèle.


Wild, pour sa part, est un récit autobiographique. Cheryl Strayed se raconte, raconte sa vie, ses amours, ses emmerdes, ses pensées les plus intimes et ce qui l'a amené à s'aventurer sur le fameux Pacific Crest Trail, sentier de randonnée qui traverse l'ouest des Etats-Unis du Nord au Sud. Le parcours de Cheryl Strayed est donc beaucoup plus concret, et finalement sans aucun mystère : c'est juste une personne qui fuit ses soucis et sa vie merdique en partant faire une randonnée extrême.


Je crois aussi qu'une partie du problème vient du fait que j'ai du mal à avoir de l'empathie pour Cheryl Strayed. Autant la première partie du livre est très touchante car Cheryl Strayed raconte le décès de sa mère d'une manière particulièrement bouleversante, et c'est juste impossible de ne pas imaginer la tristesse que l'on ressentirait à la mort d'un de nos parents, autant la suite m'a moins ému. Je trouve que Cheryl est une personne déroutante, elle se met elle-même dans une merde noire, en veut à la terre entière, fuit les personnes qui pourraient l'aider, a un rapport d'haine/attirance assez obsessionnel envers les hommes, et plus que tout a un énorme problème à faire le deuil de sa mère.


Certaines choses sont très compréhensibles. Perdre sa mère aussi jeune perturberait n'importe qui, il y a la perte d'un être cher (et dans le cas de la mère de Cheryl Strayed dans des circonstances particulières : un cancer foudroyant) et la sensation d'une relation inachevée, tant de moments perdus à tout jamais, un ancrage, un point de repère qui disparaît et laisse irrémédiablement seul. Bref, c'est tout simplement horrible, soyons clairs. Et ça m'embête d'autant plus de trouver que les états d'âme de Cheryl Strayed étalés tout au long du livre finissent par être agaçants.


Ses relations avec ses proches sont d'une complexité extrême, à l'image de la relation ambivalente qu'elle a vis à vis de sa mère. Elle la voit comme un modèle mais finit par lui reprocher une liste de choses qui montrent à quel point elle l'a idéalisée, et à quel point cette mère décédée est la source de tous ses problèmes et l'empêche d'avancer dans sa vie. Mais Cheryl Strayed en fait trop, elle cherche à transcender par les mots ce qu'elle ressent, comme si elle portait toute la douleur du monde sur ses épaules alors que la souffrance endurée sur ce sentier de randonnée la transforme juste en martyr de sa propre histoire.


La marche est d'ailleurs un moyen comme un autre, en tout cas je n'ai pas trouvé que ce qui se passe sur le chemin avait une valeur très importante dans le cheminement psychologique de Cheryl Strayed. Il y a certes la solitude (voulue), la souffrance (inhérente à une très longue randonnée), propices à la méditation et l'introspection, mais son parcours en tant que tel n'est pas très passionnant à suivre.


Concrètement il ne se passe pas énormément de choses durant sa marche, hormis deux véritables dangers (un passage en manque d'eau, et la rencontre de deux mecs louches). Le reste du temps, Cheryl Strayed se contente de décrire son chemin, les difficultés qu'elle affronte (majoritairement de la neige et un sentier mal balisé) et les moments où elle quitte le PCT, contrainte ou non, pour se retrouver dans des bleds où elle fait des rencontres diverses et variées. La marche est très secondaire au final, le livre ne transmet pas la fascination (ou non) de la marche, ce n'est pas un acte de foi, c'est juste une épreuve comme une autre.


Au final, mon tort est sans doute d'avoir attendu de Wild autre chose que ce qu'il propose. En fait c'est difficile d'expliquer ce qui cloche dans ce livre sans passer pour un misanthrope. Je trouve que Wild est un récit trop personnel, trop centré sur Cheryl Strayed, qui peine à voir plus loin. C'est juste l'histoire d'une personne, perdue, en proie à ses propres démons, qui ne cherche pas à dépasser sa propre condition mais à trouver une certaine paix intérieure à travers la marche. Une histoire tout à fait sincère dans sa démarche mais qui ne m'a pas touché autant qu'elle aurait pu.

benton
6
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le 22 août 2016

Critique lue 587 fois

2 j'aime

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