Selon Edmund Burke, philosophe irlandais, le sublime et l'horreur sont intimement liés. Dans "A l'ouest rien de nouveau", les personnages oscillent sans cesse entre ces deux extrêmes, où la barbarie la plus inqualifiable peut déboucher sur un acte d'une humanité perçante.
L'homme y est à la fois un corps, un tas de chair qui saigne, se vide, se déchire, tremble, suinte, souffre et meurt ; mais il est aussi un frère, un camarade, un fils, un mari, et même un ennemi.
La réalité y est décrite à la fois comme la routine joyeuse des temps passés au campement, à jouer aux cartes, à cuisiner et à fumer ; mais aussi celle devenue étrangère de l'arrière, où la chambre d'enfant d'hier est aussi lointaine pour celui qui s'y recueille que le sont ceux qui l'habitent, tout comme ils habitent une autre réalité où la guerre a encore un sens ; celle enfin, devenue commune, de l'attente terrible de l'affrontement, avec l'ennemi, avec la folie des jeunes recrues, avec la mort, avec soi-même.
L'armée y fait des jeunes de tous bords des soldats, leurs donne un rôle à jouer, le premier de leur vie et pour certains le dernier ; elle fait d'étrangers des camarades, une famille du front, avec qui partager les rires, les menus butins, les bottes, mais aussi l'agonie, la peur et la mort. La guerre transforme les corps, annihile les esprits en les réduisant à l'exercice mécanique de survie : reconnaître le son des projectiles, couvrir les plaies de terre pour ne pas voir le sang, ne pas se laisser aller à penser à ce que l'on est en train de vivre pour continuer à vivre...
Par son récit, bref, d'un style simple qui n'empêche pas une poésie brute, Erick Maria Remarque crie l'humanité ancrée en chaque homme, l'humanité qui fait qu'un homme promet à celui qu'il vient de tuer qu'il prendra soin de sa famille, parce qu'au fond, il s'est lui-même blessé mortellement en portant ce coup fatal.
Ce roman est un hymne à la paix. En un mot, sublime.
Stéphalea
10
Écrit par

Créée

le 25 juin 2014

Critique lue 287 fois

Stéphalea

Écrit par

Critique lue 287 fois

D'autres avis sur À l'Ouest, rien de nouveau

À l'Ouest, rien de nouveau
Kronthal
10

Effroyablement actuel.

En effet, "A l'Ouest rien de nouveau" est atemporel à cause de son contexte : le déroulement de batailles horribles et bestiales. Bien entendu, on ne peut rattacher tous les aspects horrifiques...

le 25 févr. 2013

16 j'aime

3

À l'Ouest, rien de nouveau
Quendi
10

Un incontournable sur la Première guerre mondiale

Ce livre doit être évoqué si l'on veut parler de cette guerre. En effet, son intérêt premier est de présenter le parcours d'un soldat allemand de la première guerre mondiale : Paul Bäumer. Cette...

le 28 déc. 2014

9 j'aime

1

À l'Ouest, rien de nouveau
batman1985
10

Mémoires d'un homme des tranchées

Il est des livres qui vous prennent aux tripes et au coeur. A l'ouest rien de nouveau est de ceux-là. Ce roman de Erich Maria Remarque, devenu célèbre dans le monde entier dès sa sortie en 1928 et...

le 30 sept. 2011

9 j'aime

Du même critique

Sweeney Todd - Le Diabolique Barbier de Fleet Street
Stéphalea
3

Critique de Sweeney Todd - Le Diabolique Barbier de Fleet Street par Stéphalea

Déçue par le côté gnangnan de certaines chansons (au bout du quinzième "Johannnnnnaaaaa" j'ai cru que moi aussi j'allais couper des têtes). Johnny Depp n'a pas vraiment eu à forcer pour entrer dans...

le 10 mai 2012

1 j'aime

Le Premier Jour du reste de ta vie
Stéphalea
6

Critique de Le Premier Jour du reste de ta vie par Stéphalea

Une succession de morceaux de vie parfois drôles, parfois tristes, légers ou profonds mais toujours justes. Un casting sans fausse note, des dialogues riches et des répliques savoureuses ("grand...

le 10 mai 2012

1 j'aime

Dark Shadows
Stéphalea
3

Quand Tim caricature Burton

Après avoir vu les qualités artistiques de Burton dans le cadre de son expo à la cinémathèque, je lui découvre un nouveau talent, éludé dans ladite exposition : celui de la caricature. Car, à mes...

le 10 mai 2012

1 j'aime