Une lecture unique.
C'est l'histoire d'un vieux rêveur qui s'enferme loin du monde, pour essayer de toucher du bout du doigt l'idéal en agençant son étage de maisonnette selon sa fantaisie.
Chaque chapitre est l'occasion de décrire, dans une langue si riche qu'elle en est parfois indigeste, les goûts méticuleux de Des Esseintes. Il y a le chapitre des meubles, celui des tableaux, celui des pierreries, celui des fleurs... À chaque fois, ce sont des descriptions passionnées, obsessionnelles, haletantes.
Les meilleurs chapitres sont sans conteste ceux qui s'attellent à la description de la bibliothèque. Il y en a trois, consacrés aux littératures latine, religieuse, et séculière, qui décrivent, avec vivante et excentrique précision, les caractères, les styles, des auteurs plus ou moins connus des trois traditions.
Ainsi, en parlant d'Edgar Poe : "Cette clinique cérébrale où, vivisectant dans une atmosphère étouffante, ce chirurgien spirituel devenait, dès que son attention se lassait, la proie de son imagination qui faisait poudroir, comme de délicieux miasmes, des apparitions somnambulesques et angéliques, était pour des Esseintes une source d’infatigables conjectures".
Il n'est pas rare de devoir relire les phrases alambiquées de Huysmans, ou de devoir chercher le sens de tel ou tel mot. Mais cela fait partie du plaisir, de lire un ouvrage d'un raffinement presque malsain, d'une minutie telle, qu'on croit devenir fou comme Des Esseintes.
Un proverbe anglais affirme qu'une image vaut mille mots. À Rebours en est un contre-exemple éclatant : aucune image ne peut rendre le labyrinthe névrotique dans lequel s'engouffre Des Esseintes, et qu'a seul pu rendre le style décadentiste de Huysmans.
À lire absolument.