Avant dernier livre de l’année, « Alors vous ne serez plus jamais triste » de Baptiste Beaulieu ne sera pas mon œuvre préférée de 2025. Je ne pensais pas tomber sur une histoire relevant autant d’un conte. J’avais besoin de quelque chose de froid et d’abrasif comme la vie. Du sel sur des plaies, douloureux, cathartique mais antiseptique. De l’acidité et de l’amertume, un citron pressé - Suze, tiède, sans glace. Vous savez, comme ces chansons qui frappent au foie et qu’on réécoute à s’en user les tympans parce que ça fait mal et avoir mal c’est exister. Je n’ai pas trouvé ça, pourtant le sujet y était propice. Amour et deuil. Ça promettait. De l’attente naît la déception mais de la déception émerge la réflexion. Alors tant mieux.
Il y a dans ce roman, et je peux comprendre que ça plaise, une bonne dose d’onirisme et de poésie mais je n’étais malheureusement pas dans l’énergie pour la recevoir, maudits chakras. Malgré tout, il aura répondu à certaines de mes attentes. En effet, après avoir lu plusieurs livres rédigés par des autrices, je cherchais une œuvre avec un angle masculin sur la résilience face aux difficultés de la vie. Là où dans tous les livres que j’ai lus écrits par des femmes il y avait la quête de sens, le recentrage sur soi, la reconstruction comme solution au deuil, dans l’ouvrage de Beaulieu il y a la finitude, le suicide, la mort. Et à vrai dire je trouve ce schisme de genre parlant. Il résonne avec des expériences passées. Il m'a fait penser à tous ces vieux couples que j’ai connus. Lorsque le mari mourut en premier, la femme lui survécut mais lorsque que c’est l’épouse qui décéda en premier, le conjoint se laissa mourir. Résilience affirmeront certains, légèreté rétorqueront d’autres. Amour vital s’exclameront quelques uns, lâcheté répliquera le reste. Mon parti pris, pas tellement risqué, est de dire que les femmes sont tout simplement meilleures que les hommes dans ces moments, et c’est également, je soutiens, l’avis de Beaulieu. Composante innée, carcan émotionnel dicté par la société, c’est un peu des deux certainement.
Pour en revenir au livre, malgré ce que j’ai pu écrire plus haut, j’ai éprouvé du plaisir à lire les péripéties infligées par une vieille dame loufoque à cet homme endeuillé en sursis de vie. Beaucoup de passages cocasses entrecoupés par d’autres d’une douleur insondable rythment ce roman. Les pistes de renaissance sont nombreuses mais se heurtent à la souffrance assourdissante de cet homme, perdu sans raison de vivre, état d’autant plus révélateur puisqu’il est médecin, métier qui relève plus du sacerdoce que de la simple activité professionnelle. Je me disais distrait, sourire en coin, heureusement qu’il n’est pas ingénieur, le roman ne ferait que 12 petites pages sinon.
Arrivant à la quatrième de couverture, je restai sans véritable réponse à ces questions qui pointèrent au fur et à mesure de ma lecture. Pourquoi la tristesse est-elle la trace éclatante que quelque chose de beau a existé ? Et pourquoi pas la joie et l'allégresse à sa place ? Pourquoi l’homme a-t-il ce penchant pour la mélancolie ? Et est-ce que c’est vrai pour les femmes aussi ?