Je voulais commencer par : " Adichie veut montrer que c'est un vrai écrivain noir, conscient et tout ça, donc elle veut faire comme tout vrai écrivain noir, conscient et tout ça, elle va écrire son livre sur le racisme, ben oui, parce qu'elle est engagée, et donc il faut écrire un livre sur le pays raciste par excellence : les Etats - Unis" et mettre 4 ou 5. Finalement, la lecture fut fort plaisante et agréable, le style élégant et plein de drôlerie, quelques remarques pertinentes par exemple sur le fait que les Hommes Noirs Américains s'intéressent peu aux femmes noires , et la comparaison avec l’antisémitisme : est bienvenue : je crois bien que c'est la première fois qu'on pointe la fascination cachée pour les juifs dans l'antisémitisme : oui, la haine des juifs existe, mais on les envie un peu, ils intelligents, brillants, ils ont apporté Spinoza,, Einstein Mark Zuckerberg, tout de même! Alors que les noirs, ben ça reste les bons à rien de l'histoire. Pouahh, pour le reste, ça marche moins bien. Tout d'abord , le personnage principal, Ifémulu qu'on nous présente comme anticonformiste et réfléchie se révèle vite une opportuniste sans consistance, qui tient un blog sur la race parce qu'avant elle n'avait pas consciente d'être "noire" avant de venir aux US(ben , en même temps, le Nigéria est moins mélangé que les US, et surtout ces pays sont fondés sur le communautarisme, donc bon), surtout elle écrit des banalités effroyables sur son blog : et je m'offusque par que les filles blanches sont pas contentes que je sorte avec un beau mec blanc riche, c'est une défense clanique(ptet qu'elles sont simplement JALOUSES?) , et puis, elle veut pas m'épiler les sourcils"on les fait pas friser", et puis elle veut me montrer à quel point elle aime le Nigéria(ptet qu'elle aurait la même chose avec un Russe?), et puis mon employeur veut pas que je vienne avec mes cheveux crêpus(et bien c'est aux Noirs Américains les coupables, qu'ils imposent leur cheveux naturels , merde, cessez la pleurnicherie!),bref que des indignations ridicules, et puis quand enfin ya un vrai pb de racisme (un vieil homme noir est soupçonné de trafic de drogue parce qu'il a donné de l'argent à un autre Noir), Madame se dégonfle et trouve que son mec renoi du moment fait trop de zèle --'. En fait, c'est intéressant parce que ça m'a rappelé la remarque de Lasch sur les féministes : elles se veulent les égales des mâles mais continuent à les regarder comme des oppresseurs. C'est exactement la même chose ici : Ifem se considère comme un être humain à part entière , toutefois, elle suspecte chaque mot et chaque geste d'un Blanc à son encontre comme potentiellement raciste. Ainsi, Ifem se croit subversive sur la notion de race, croyant déranger , mais en fait non, elle ne fait que subir en ressassant les vieilles colères : un exemple : Obama est métis, c'est un fait. Or, on le présente comme Noir. Ifem est de cet avis, parce que s'il avait vécu dans les années 5o, il aurait été considéré comme "noir". Et bien, ,non, cessons toujours de nous soumettre à la norme" il est considéré comme tel" , peut-être mais elle n'est pas obligée de l'accepter. En le faisant, au fond, elle intériorise le rejet initial des Métis ( à fortiori des Noirs) par les Blancs. Pas d'accord : Obama est métis, et non Noir, il est temps de le reconnaître. Selon , elle subit le "regard potentiellement raciste du Blanc", elle ne l'affronte guère. Après, je ne dis pas qu'il n'y a plus de problèmes de racisme, mais nous rappeler qu'un Homme Noir pauvre est plus contrôlé qu'un Blanc pauvre, on le sait déjà. Qui croit-elle informer?
Toutefois, les personnages rattrapent un peu ce ratage : de l'égocentrique pleurnicharde Shan au vertueux professeur Hunk, du prof de tennis pervers à Tante Uju et son fils Dike(bien que la dépression de ce dernier bénéficie d'un traitement bâclé, peut-être parce qu'Adichie ne comprend pas ou appréhende mal les névroses occidentales)


Bien , passons à l'autre héros : Obinze. Cette partie de l'histoire n'est ni mauvaise ni bonne(toujours rattrapé par de bons personnages et de bonnes situations), c'est que c'est très convenu. Elle raconte ce qu'on sait déjà : Obinze tente l'Angleterre mais finit par rentrer au pays et devient riche. Je dirai même que sa richesse est très mal expliquée et peu crédible. On perçoit bien la petite morale : "restez au pays, et cessez de croire l'herbe plus verte qu'ailleurs, vous foulez chez vous une pelouse bien fournie)". J'ai donc eu la nette impression d'assister à un banal téléfilm.


La fin est pas terrible : Adichie choisit la facilité quant à la femme d'Obinze : c'est forcément une gentille idiote. Attention gentille, mais quand même idiote et sans surprise. Donc, évidemment, elle ne fait pas le poids face à la (fausse) sulfureuse Ifem. Moi, j'aurais voulu que la rivale soit exceptionnelle, comme ça le dilemme d'Obinze aurait été atroce. Ah, la belle tragédie que cela aurait pu être!


C'est un livre agréable à lire, vraiment, mais ce n'est pas le chef d'oeuvre attendu. La dénonciation du racisme est très convenue. Pas mal, mais pas indispensable.


PS : je n'ai pas aimé sa manière d'appeler son mec blanc "l'ex blanc sexy", je trouve que ça fait produit de luxe.

AttibaoulGounyo
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le 3 juil. 2015

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