Anima
8.2
Anima

livre de Wajdi Mouawad ()

Rien n'est plus redoutable que l'homme.

Wajdi Mouawad est un mec étonnant. Etonnant parce que dégageant une certaine douceur alors même que ses livres recèlent de lignes âpres, sèches, et parfois extrêmement violentes. Cette violence n'est pas particulièrement présente dans "Visage retrouvé", son roman précédent. Mais qui a vu ou lu "Incendies" (pièce de théâtre écrite par Mouawad et adaptée au cinéma par Denis Villeneuve en 2010, film irrévocablement ancré dans ma mémoire) se rappellera sans doute de scènes d'une dureté notable, jusqu'au retournement final qui vous laisse sans mots, sans souffle, sans rien.

Avec "Anima", la violence fait dès les premiers mots son entrée en tant que personnage majeur de l'histoire. Elle plante le décor avec la force du couteau planté dans le ventre, puis dans le vagin de la femme de Wahhch Debch. Elle se déploie comme les milices chrétiennes dans les camps de Sabra et Chatila, dont il sera beaucoup question dans la dernière partie du livre.

Oui, décidément, Wajdi Mouawad est un mec étonnant. Etonnant aussi par cette capacité à contre-balancer la violence de certains passages par un style littéraire global que, personnellement, je trouve infiniment touchant. Ses oeuvres comptent parmi celles dont on dit spontanément qu'elles ont une âme. Celles qui vous bouleversent, qui vous absorbent, au sein desquelles vous vous enfoncez avec la certitude qu'au bout du compte, au point final, vous trouverez quelque chose de plus que le plaisir d'avoir lu.

Et puis, surtout, Wajdi Mouawad est un mec étonnant parce que réussir le pari de raconter une histoire à travers les pensées des animaux qui en sont témoins tient de l'exploit, accompli haut la main. Cette histoire, c'est donc celle de Wahhch Debch, homme d'origine libanaise vivant au Canada, qui découvre un jour en rentrant chez lui sa femme assassinée. C'est l'histoire de sa traque du meurtrier, un indien protégé par la police autant que par les siens. Et c'est l'histoire de sa quête d'identité, thème récurrent chez Mouawad, qui le mènera peu à peu au pire.
Tout, ou presque, est raconté par les animaux. Chat, chien, mouche, araignée, abeille, fourmi, chimpanzé, serpent, rat, oiseaux,... Tous observent, tous ressentent, tous comprennent.

Ca aurait pu être confus, laborieux, manqué. Mais c'est extrêmement bien pensé, bien construit, bien mené, bien réussi.

Définitivement, Wajdi Mouawad est un mec étonnant.

(En plus, il a mis des morceaux de 16 Horsepower dedans!:
http://www.youtube.com/watch?v=n_Uvh_Ts62U
http://www.youtube.com/watch?v=8t_TV4Uy5l8)
Much
9
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le 4 sept. 2013

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Much

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