Aqua TM est clairement un roman prospectif sur un futur que l'on sait bien plus proche que ne préfèrent nous l'annoncer nos dirigeants. En 2030, réchauffement climatique oblige, l'eau est devenu une denrée rare, tandis que l'Occident s'avère plus vulnérable et moins capable de s'adapter aux changements (et aux actions terroristes) qu'on ne nous le promet à l'envi. Mais, par-delà des séries de parcours parallèles à la façon John Brunner, c'est vers l'Afrique et plus précisément vers le Burkina Faso que l'action converge et se focalise progressivement, à travers la venue de membres d'une ONG qui vont s'efforcer d'aider le gouvernement du pays à échapper aux griffes d'une multinationale de contrôle de l'eau (on songe en passant à quelques sociétés bien connues). Les personnages sont attachants, même si l'on souhaiterait parfois qu'ils aient plus de profondeur. Le style est généralement vif, n'hésitant pas à mobiliser les formes stylistiques liées aux nouvelles technologies. Mais, au-delà du constat de rapport géopolitique et géo-économique défavorable pour les pays du "Sud", le talent de Jean-Marc Ligny s'exerce surtout dans l'interaction et l'articulation qu'il parvient à introduire entre la vision "techno-scientifique" du monde et l'esquisse d'une "philosophie africaine" qui témoigne des limites des approches occidentales. Ce jeu de visions n'est pas un simple glissement vers le fantastique, mais une vraie porte ouverte sur l'altérité. Elle pourra cependant arrêter certains esprits étroitement matérialistes. Au regard de cette construction complexe, les dernières pages s'avère en revanche légèrement décevantes (ce qui est dommage pour un livre de plus de 700 pages), en faisant d'un enfant handicapé un deus ex-machina un peu facile. Pourtant, malgré cela, "Aqua Tm" reste un grand texte de SF, dans la lignée de ceux qui ont su nous montrer les périls à venir dès les années 1970 comme "La fin du rêve" de Philip Wylie ou "Le troupeau aveugle" de Brunner.