Robert Reed fait partie de ces auteurs qui enrichissent un genre tandis que d'autres le subliment. Il n'y a donc pas d'étoile à son nom sur SF Boulevard. Pourtant, bien sûr, R. Reed mérite d'être lu.

Béantes portes du ciel succède au Voile de l'espace (même éditeur, même collection). La suite se lit très bien indépendamment du premier grâce aux rappels proposés par l'auteur au fil de l'histoire. Ils ont en commun, outre le décor, le souci et le plaisir d'écrire sur les relations intra-familiales et de proposer un équilibre dynamique entre des personnages plus complexes que le tout-venant de la SF et une intrigue soigneusement rythmée, sans facilités.

De prime abord, Béantes portes du ciel raconte la bataille de Porsche Neal, de son compagnon Cornell Novack (héros du Voile du l'espace) et de quelques autres contre la Cosmic Event Agency. Cette dernière, une agence gouvernementale secrète complote pour exploiter les richesses technologiques offertes par les Intrusions, des trous de ver (au sens astrophysique du terme) qui mettent en réseau une multitude de mondes, dont la Terre.

Guerre de l'information, trahisons, chantage, opérations militaires de choc, civilisations extraterrestres, énigmes cosmiques ; Robert Reed ne rate aucune des figures imposées du thème "société secrète gouvernementale et invasion extraterrestre", fixées dans l'esprit du public par X-Files d'une part et les deux Men In Black d'autre part.

Sous la synthèse réussie des qualités de la série TV et des blockbusters hollywoodiens se cache un autre roman, moëlle épinière et véritable justification de Béantes portes du ciel. Il s'agit du dénouement de la tragédie familiale de Porsche Neal qui, enfant, causa la fuite de sa famille du monde Jartee vers la Terre en révélant par orgueil le secret des Intrusions. Dans cette facette du roman, Robert Reed dévoile le talent, rare en SF, d'inscrire ses personnages dans une histoire personnelle cohérente et riche qui les rend particulièrement attachants, vivants, proches. Et par leur intermédiaire, il donne à réfléchir sur les difficultés identitaires de l'immigré, partagé entre la préserversation de ses racines et l'acculturation complète.

A défaut d'avoir de l'envergure, d'être original, brillant, pétri de sense of wonder, ce qu'écrit Robert Reed est intelligent, sensible ET distrayant. Ca lui coute son étoile sur SF Boulevard, mais ça lui assure des lecteurs comblés.
louiscanard
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le 18 janv. 2011

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