Texte pas totalement convaincant que ce Capillaria.


Rédigé en 1921, par l'auteur hongrois Frigyes Karinthy, ce roman est écrit à la manière des voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Le narrateur est d'ailleurs présenté comme Gulliver himself, alors même que l'époque ne correspond pas, puisque Karinthy situe son récit durant la première guerre mondiale.


Ce n'est d'ailleurs pas un coup d'essai pour lui, puisqu'il avait déjà rédigé un cinquième voyage de Gulliver, Farémido : le cinquième voyage de Gulliver, paru cinq ans plus tôt en 1916 (et que je n'ai pas lu).


Ce sixième voyage débute donc sur un naufrage, lorsque le navire de notre héros est torpillé par un u-boot allemand. Alors qu'il pense mourir noyé, il est finalement sauvé par une étrange créature serpentine, mais à visage quasi humain.


Gulliver découvre alors une société sous-marine dominée par les femmes. Ces dernières ne sont pas vraiment humaines. Elle ont une forme anthropomorphe, mais sont translucides à la manière des méduses, et possèdent de grandes ailes membraneuses dont elles peuvent s'envelopper. Elles ont
en outre réduit leurs mâles (nommés bullocks) à leur seul rôle de reproducteur, puisqu'ils ne sont plus, littéralement, que des sortes d'appareils génitaux vivants (les fameuses créatures serpentines à face humaines).


En outre, ces bullocks servent de nourriture à ces femmes, à la manière des mantes religieuses qui mangent souvent leur compagnon pendant l'accouplement. Sauf que là, elles ne s'accouplent plus vraiment avec eux, se contentant de les manger.


Le récit est construit comme une satyre autour de la bataille des sexes, mais contient cependant un fond de misogynie assumé. En effet, ces femmes-méduses apparaissent comme illogiques, dominées par leurs pulsions, et sauvagement dominatrice face aux bullocks dont elles détruisent ou exploitent les constructions.


De même, lorsque Gulliver (qu'elles prennent pour une femme de la surface puisqu'il leur ressemble plus qu'il ne ressemble aux bullpops) leur parle des femmes de la surface, soumises aux hommes, la reine de Capillaria se moque de lui en lui expliquant qu'au contraire, entretenues par leurs conjoints et oisives, ce sont elles qui profitent des hommes.


Une vision pour le moins particulière des rapports hommes/femmes.


Le récit souffre donc clairement de son âge, ce qui peut n'aurait pas dû être une fatalité, quand on songe au modernisme radical d'un récit antérieur tel que Herland , que j'avais lu juste avant. C'est donc bien un problème d'auteur, plus que d'époque.


Je n'ai pas eu l'impression en le lisant que Frigyes Karinthy était consciemment misogyne, mais plutôt qu'il utilisait pour sa satyre des stéréotypes de l'époque sans les remettre en question et tout cela sent plus volontiers la maladresse que la réelle intention de dénigrer les femmes, mais le résultat est là...


Parfois, il est bon de ne pas avoir les idées de son temps...

M_le_maudit
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le 31 mai 2018

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