Écriture et guérison

Roman d’apprentissage à la première personne (du féminin) et au présent (de la caméra à l’épaule) : l’héroïne d’Une Histoire de France est montée à Paris pour y apprendre le théâtre … En fait on pourrait aussi bien parler de roman de conquête, car Romy, la narratrice, n’est plus une victime trimballée d’un prédateur à l’autre comme dans le roman précédent (ouf !), mais une jeune femme bien décidée à rectifier un destin trop désespérant et surtout trop joué d’avance : autant dire à devenir une « transfuge de classe » (arghhh… quand je pense que cette expression ignoble a été – brièvement – à la mode !)

Mais l’apprentissage, c’est aussi celui de l’écriture : de « radicale » dans le roman précédent (dixit l’éditeur) elle est ici plus complexe et plus fluide en même temps. Les deux existences de Romy (l’une au cours Florent, l’autre chez Odette) sont déroulées à l’aide à un montage alterné astucieux et plutôt convaincant ; le personnage d’Odette, version catho et très perturbée de Mme Rosa, constitue un magnifique contrepoison aux tentations narcissiques de la narratrice (tentations d’autant plus fortes que le « À nous deux Paris » est un topos qui y invite irrésistiblement). Quant aux clins d’œil littéraires (par exemple les chaises disposées pour l’anniversaire d’Odette comme dans la pièce d’Ionesco), ils rachètent largement le recours à des comparaisons parfois faiblardes (il y a quelque part des choses qui « brillent de mille feux »…). Enfin le livre se termine par des remerciements : cette tradition, comme la petite friandise servie avec le café au resto, n’est pas obligatoire, mais tout à fait charmante – et, d’une certaine façon, rétroéclairante.