La couverture de mon exemplaire de "Christine" arbore fièrement le sous-titre suivant : "Comment tuer ce qui n'est pas vivant ?". Et c'est bien de cela qu'il s'agit : comment tuer le Grande Faucheuse ? Autant être clair tout de suite, on ne peut pas. Tout le monde connait plus ou moins la trame de ce classique de Stephen King ; je ne surprendrai donc personne en dévoilant que cette Christine n'est pas une femme, mais une voiture. Enfin, en théorie. Une voiture par laquelle son nouveau propriétaire, Arnie Cunningham, souffre-douleur de son lycée, va bientôt devenir anormalement obsédé. Une voiture qui deviendra incontrôlable, comme nous le raconte ici Dennis, le meilleur pote d'Arnie.
Pour ma cinquième incursion chez Stephen King, je n'ai, encore une fois, pas été déçu. J'avais une légère appréhension par rapport au sujet du livre en lui-même, n'étant pas spécialement fervent de cet espèce de délire typiquement américain "belle bagnole / frime / lycée / rock'n'roll / majorettes et matchs de football". Mais décidément, King réussirait à rendre n'importe quoi passionnant, et je me suis bien vite laissé emporter par cette histoire démente menée tambour battant, une histoire qui, sur le papier, parait pourtant bien invraisemblable. Comme un Diesel, l'auteur démarre lentement, sans s'affoler ; puis sans que l'on s'en aperçoive vraiment, il passe la seconde, puis la troisième. Vitesse de croisière. On se croit à l'abri, mais il nous ballade littéralement. Et c'est ainsi qu'au gré de passages violents et de nombreux rebondissements, il nous conduit à toute allure sur la route du surnaturel. Un surnaturel décomplexé, qui inquiète sans discontinuer. Il faut dire que Christine, ce cauchemar roulant, est un tel concentré de fantastique et d'épouvante que c'en est stupéfiant : à la fois maison hantée, poltergeist, zombie mécanique, talisman maudit, poupée vaudou, reflet de mort et de vanité comme dans "Le portrait de Dorian Gray", machine "vivante" qui se régénère rappelant le T-1000 de Terminator 2, menace invisible, sauvage et sanguinaire dans le style du requin des "Dents de la mer", pseudo Freddy Krueger, légende urbaine, machine à voyager dans le temps... L'engin cristallise un nombre incalculable de peurs, de superstitions, allant de la simple crainte de voir les gens qu'on aimait devenir des étrangers à celle de devoir affronter un jour la mort de nos proches, en passant par l'angoisse qu'un passé que l'on voudrait garder secret remonte à la surface, la vision pessimiste d'un futur où l'homme serait dépassé, manipulé par ses propres créations, l'inquiétude de se retrouver seul face à ses blessures physiques ou psychologiques, face à son destin, seul contre tous et mal aimé... Finalement, et c'est ça le plus terrifiant, King parvient à dépeindre l'espèce humaine avec une lucidité d'autant plus atroce qu'il le fait de derrière le volant d'une épave sans âme. Et elle nous observe sans ciller avec ses phares ronds et aveuglants, qui nous éclairent nous, métaphores de la Mort qui nous attend tous au tournant et peut nous faucher sans crier gare, n'importe quand.
Et elle fonce.
Et elle se rapproche.

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le 25 juil. 2011

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Psychedeclic

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