Depuis quelques semaines, j’ai eu l’occasion de me pencher sur un ouvrage qui m’a particulièrement intéressé. Sur les conseils avisés d’une de mes professeures, j’ai eu entre les mains le livre de Jacques Roubaud Ciel et terre et ciel et terre, et ciel.


L’objet se présente comme étant un livre hybride, entre catalogue d’exposition et récit introspectif, voire autobiographique certains diront. Il y est décrit la vie de Mr Goodman, alter-ego romanesque de l’auteur, qui s’articule autour de la découverte des tableaux du peintre paysagiste britannique John Constable, auteur de nombreuses études de nuages.


A travers la fenêtre que proposent les tableaux du peintre à plusieurs moments de sa vie Mr Goodman navigue entre rêve et réalité, où son imagination débordante, notamment pendant l’enfance, lui permet de s’évader de son quotidien. Un enfant qui aime regarder les nuages, les voir défiler au rythme des « nuheures », unité de temps fantasmée pour observer le passage de ces masses éphémères. Dans la chambre d’enfant où il est réfugié en 1943, Mr Goodman observe ces quelques reproductions des tableaux de Constable, et se met à rêver, à se projeter dans ces terres qu’il ne connait que par la touche picturale de l’artiste. Quarante années plus tard, Mr Goodman alors devenu scientifique en Ecosse, vivant de le déni total de son enfance difficile, se voit être confronté de nouveau avec un tableau de Constable « Cloud study with birds » : face à cette œuvre, les pans entiers de son passé lui reviennent. Mr Goodman se lance dans un périple pour retrouver peu à peu les pièces qui constituent le puzzle de sa propre vie, naviguant parmi les nuages de Constable et ceux qui se déplacent au-dessus de sa tête. Reconstitution de la mémoire, réconciliation avec le passé : comme une énigme qui se déchiffre, au fil du récit Jacques Roubaud exprime sa fascination pour les nuages en s’associant au génie de Constable, fin observateur de son environnement en son temps.


Le livre se présente donc avec d’un côté le texte du Jacques Roubaud, et de l’autre diverses études de John Constable, avec très souvent en face à face l’œuvre dont il est question sur la page. Un moyen de mettre en avant la poésie des tableaux de Constable, et la vie de Mr Goodman.


Selon moi, le livre questionne fondamentalement le rôle des images : vecteur de sensations, de sentiments et marqueurs de notre vie, les images qui nous entourent nous façonnent et agissent comme des repères. Ces images peuvent aussi fausser notre vision du monde, la manipuler, à l’image de Mr Goodman qui lorsqu’il se rend sur les terres où peignait Constable, semble désenchanté par les paysages qu’il observe : ce n’est plus la même terre, plus le même ciel, ni le ciel, ni la terre. Dans une société où l’image nous entoure, voire nous submerge, il semblerait intéressant de pouvoir prendre le recul nécessaire pour se rendre compte de l’impact de cette masse visuelle sur notre quotidien. Tout comme Mr Goodman se met à rêver en voyant les nuages d’une blancheur éclatantes sur les tableaux de Constable, peut être devrions nous nous aussi nous arrêter un instant pour plonger le temps d’un instant, la tête dans les nuages.

BastienForato
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le 26 avr. 2018

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Bastien Frt

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