Quand on dévore un livre en trois jours

Quand on dévore un livre en trois jours, c'est toujours bon signe. L'histoire est prenante, le rythme est soutenu.


J'avais acheté ce livre un peu au hasard. La rentrée littéraire ce n'est pas mon truc. Généralement, j'attrape le dernier Amélie Nothomb et ignore complètement le reste, attendant la valse des prix littéraires pour me décider éventuellement à lire un nouvel ouvrage en français. Mais pas cette fois-ci.


Quelqu'un me l'avait conseillé il y a plusieurs semaines. Le résumé ne m'inspirait pas. Enfin, pas plus que ça. L'histoire d'une mère courage qui refuse de laisser tomber son fils. Cette histoire de balade à cheval au Kirghizistan. Cette impression que cette histoire sera un long travelling de paysages de montagne et de discussions creuses dans lesquelles personnes ne s'écoute. Mais si on me l'a conseillé, c'est qu'il qu'il doit y avoir un peu plus que ça.


Cette femme paumée nous touche dès le départ ; elle ressemble à tellement de mères qu'on a pu rencontrer. Son fils aussi, qui me rappelle tellement d'adolescents croisés au cours des dernières années. Ces deux êtres perdus dans leur vie, et dans la notre aussi.
Et puis il y a cette connerie. Cette immense connerie. Le genre d'action qui vous donne envie de claquer le môme et de l'insulter dans toutes les langues. Le genre d'action qui vous donne envie d'insulter cette mère pour avoir laissé le môme s'éloigner autant de la vie réelle. Le père débarque, encore plus paumé que les deux premiers. Cet espèce de Dom Juan j'm'en-foutiste réac. Dès son apparition, on a envie de le voir disparaître. Les quelques pages où il est présent sont intolérables. On ressent le même dégoût que la mère vis-à-vis de lui.


Et puis il y a cette idée, à l'encontre de tout. Les chevaux, les montagnes, le Kirghizistan. Idée improbable. L'éducation par le voyage. S'éloigner pour se rapprocher. De grandes idées. On est partagé entre l'espoir et la certitude que ce grand projet va se casser la figure.


Milles et unes péripéties s'enchaînent alors. C'est un roman à la fois contemplatif et dynamique. Le rythme des actions est très lent la plupart du temps, alors même que le rythme d'écriture est effréné. Des phrases courtes, hachées. Comme si Sibylle, la mère, était toujours à la recherche ou à court de solution.


Et puis, il y a cette fin. Ce repas partagé avec les nomades où tout paraît beau. La vie qui revient autour de longues gorgées de vodka. Sibylle qui retrouve goût à la vie. On se dit que Samuel a compris, enfin. Mais l'alcool a un effet dévastateur. Tous les doutes et les angoisses de l'adolescent le prennent à la gorge, il est terrifié, énervé et il lâche tout. Persuadé que sa mère n'a rien à faire de lui, il s'échappe au milieu de la nuit.
Le réveil est terrible pour Sibylle. Son fils disparu. On lui conseille de ne pas partir mais elle saute à cheval le plus vite possible. La dernière course-poursuite du livre s'engage alors. Une recherche désespérée, avec la mort en toile de fond. On est terrifié avec elle et les pages du livre nous brûle les doigts.


Je ne sais que penser de la fin du livre. Cet espèce de happy end dramatique. Comme si l'auteur n'avait pas eu le courage d'achever son personnage dont la vie a été si compliquée.


On reste néanmoins perturbé par cette lecture. Sibylle et Samuel nous hante encore plusieurs heures après avoir refermé ce roman. Continuer oui, parce qu'il ne faut pas baisser les bras, qu'il faut continuer à se battre, à vivre.
Étonnamment, c'est aussi un livre engagé. Pour ne pas juger ces femmes qui ne savent pas comment réagir face à un fils rebelle et délinquant. Pour ne pas se contenter de punir ceux qui dévient du "droit chemin". Pour ne pas vivre reclus mais s'ouvrir aux autres qui ne sont pas l'ennemi, parce que les relations humaines sont enrichissantes. Pour ne pas faire d'amalgame, quelques soient les événements.
Parce qu'il y a toujours de l'espoir. Parce qu'il faut, toujours, continuer.

Piaf
8
Écrit par

Créée

le 30 oct. 2016

Critique lue 540 fois

Piaf

Écrit par

Critique lue 540 fois

D'autres avis sur Continuer

Continuer
Pouyou
8

Critique de Continuer par Pouyou

La vie de Sybille se délite dangereusement : son mariage s'est soldé par un divorce amer tandis que son déménagement à Bordeaux ne fait que lui renvoyer en pleine figure sa vie sociale déconfite...

le 10 janv. 2017

4 j'aime

2

Continuer
lireaulit
10

En avant !

Le livre s’ouvre sur Samuel et Sibylle se réveillant entourés d’hommes agressifs et menaçants. Ils sont au Kirghizistan, Asie centrale. Ces individus veulent peut-être leur voler leurs chevaux ou les...

le 24 sept. 2016

4 j'aime

1

Continuer
Philou33
7

Ils en ont du courage… ces chevaux !

À quoi ça sert un éclaireur ? À éclairer, Pardi ! Il y a quelques jours, l’un d’eux, parmi les plus discrets, l’a noté huit, sans commentaire. Qu’est-ce qui m’a poussé à aller voir de quoi il...

le 3 août 2022

3 j'aime

3

Du même critique

Eye in the Sky
Piaf
6

"Vous déclarez la guerre, nous la faisons pour vous!"

Le scénario de ce film est simple, peut-être trop simple d'ailleurs. Trois terroristes, les numéros 2, 4 et 5 de la liste du président américain à éliminer dans la Corne de l'Afrique, doivent être...

Par

le 15 déc. 2016

2 j'aime

L'Odyssée de Pi
Piaf
7

C'est l'histoire d'un tigre qui fait naufrage...

J'ai faillit mettre 6, mais en fait, vu comme j'en tremble encore 2h après avoir fini de le visionner, c'est que ce film a vraiment quelque chose. On me l'avait vendu comme une sorte de conte...

Par

le 9 juin 2013

2 j'aime