"Après nous le déluge"

J'ai passé des heures à dévorer la correspondance (très mal éditée) de ces deux vieux cons pétainistes, nombrilistes et imprécateurs, où la verve d'écriture des deux parias, surtout Morand, ne fait pas oublier les immondices antisémites et homophobes qu'ils déversent allègrement sur leurs contemporains.
Morand, le plus intéressant des deux, n'est pas en reste sur ce point. Il aggrave son cas. Capable d'avoir des analyses d'une grande profondeur sur plusieurs sujets, et de rendre compte avec beaucoup de subtilité des livres qu'il a lus, il est souvent d'une méchanceté gratuite effarante. Chardonne est moins violent, sûrement moins aigri, et modère parfois les assauts antisémites de son correspondant, mais au bout du compte, ils se rejoignent sur l'essentiel. L'intérêt de cette correspondance tient au panorama général de l'époque que nous dressent les deux écrivains, avec un focus particulier sur le monde littéraire, qui intéresse tout particulièrement Chardonne.
Mais on reste perplexe devant l'absence du moindre scrupule, de la moindre interrogation morale sur leurs choix et positions pendant la guerre. Mieux vaut lire et relire ce chef d’œuvre qu'est Venises, Hécate et ses chiens, Claire, ou Parfaite de Saligny, qui ont formidablement résisté au temps.