Cavanna est beau. Son personnage est un esthète, son écriture aussi. Masculine, sans fantaisie, mais juste et mature. L’amour de la langue et des mots, embelli de toute une vie, lui permet de nous faire passer toutes ses émotions en se passant d’artifices.

Dans un style plutôt descriptif, les chapitres s’alternent entre ses souvenirs qui remontent le temps (enfance, jeunesse, STO, Hara-Kiri, Charlie Hebdo…) et sa vie au présent (ses amours de vieillesse, ses maux de vieillesse, son quartier, ses voisins…). Les chapitres s’écourtent de plus en plus, chapitres et vie avançant, et on s’attendrait presque à une page blanche finale.

La beauté est la discrétion des sentiments dans la description des évènements, alors que ces événements ne sont que sentiments. Nostalgie, amours, deuils, forces, faiblesse, tendresses et petitesse… et surtout un humanisme teinté d’humour malicieux (métaphores, onomatopées, antithèse, chiasme et tout plein d’autres tournures vintages qu’un Audiard n’aurait pas reniées). On ne va pas s’embrumer les yeux du passé, mais on aurait bien envie qu’un Cavanna et ses bandes de potes nous resservent leur soif de liberté.


Petit échantillon : Je ne m'étais jamais auparavant avisé de ce que les bossus, courbés obliquement vers le sol, ont un horizon peuplé de pieds.

Ou encore : Elle était brève de taille, me regardait menton dressé. Ses épaules chétives fondaient entre mes mains. Elle était moche, moche sans espoir, moche à force de banalité, et vieille, pas avec excès mais comme si elle l'avait toujours été.

Sepanta
8
Écrit par

Créée

le 17 juil. 2023

Critique lue 19 fois

Sepanta

Écrit par

Critique lue 19 fois

D'autres avis sur Crève, ducon !

Crève, ducon !

Crève, ducon !

le 4 févr. 2022

Le dernier cadeau

Quelle surprise, en 2020, de passage dans une librairie, de tomber sur le dernier Cavanna, mort en 2014 (faites le calcul). Et d’un seul coup, tout revient, les émotions, les bravades, l’humour et la...

Du même critique

Mommy

Mommy

le 29 oct. 2014

Étroitesse de la dure fatalité

L’idée géniale de ce film est son format (1:1) qui ampute aux protagonistes toute perspective de fuite à la fatalité de leurs vies, hormis de rares moments de respiration pendant lesquels le format...

Feu et Sang - L'Intégrale

Feu et Sang - L'Intégrale

le 19 mars 2023

Les dragons aux œufs d'or

J’ai lu les 5 volumes de Game Of Thrones, obstinément. Je les ai même relus, pour en être sûr. Les intrigues insomniantes à rallonge, décapitées par surprise ; la délectation des répliques cinglantes...

L'Œuvre de Dieu, la part du diable

L'Œuvre de Dieu, la part du diable

le 3 déc. 2014

Il faut attendre voir

Etats-Unis, le Maine, première moitié du 20ème siècle. Un obstétricien, Wilbur Larch, philanthrope, philosophe, athée, abstinent, drogué à l’éther et mis au ban de la société accomplit l’œuvre de...