Cavanna est beau. Son personnage est un esthète, son écriture aussi. Masculine, sans fantaisie, mais juste et mature. L’amour de la langue et des mots, embelli de toute une vie, lui permet de nous faire passer toutes ses émotions en se passant d’artifices.

Dans un style plutôt descriptif, les chapitres s’alternent entre ses souvenirs qui remontent le temps (enfance, jeunesse, STO, Hara-Kiri, Charlie Hebdo…) et sa vie au présent (ses amours de vieillesse, ses maux de vieillesse, son quartier, ses voisins…). Les chapitres s’écourtent de plus en plus, chapitres et vie avançant, et on s’attendrait presque à une page blanche finale.

La beauté est la discrétion des sentiments dans la description des évènements, alors que ces événements ne sont que sentiments. Nostalgie, amours, deuils, forces, faiblesse, tendresses et petitesse… et surtout un humanisme teinté d’humour malicieux (métaphores, onomatopées, antithèse, chiasme et tout plein d’autres tournures vintages qu’un Audiard n’aurait pas reniées). On ne va pas s’embrumer les yeux du passé, mais on aurait bien envie qu’un Cavanna et ses bandes de potes nous resservent leur soif de liberté.


Petit échantillon : Je ne m'étais jamais auparavant avisé de ce que les bossus, courbés obliquement vers le sol, ont un horizon peuplé de pieds.

Ou encore : Elle était brève de taille, me regardait menton dressé. Ses épaules chétives fondaient entre mes mains. Elle était moche, moche sans espoir, moche à force de banalité, et vieille, pas avec excès mais comme si elle l'avait toujours été.

Sepanta
8
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le 17 juil. 2023

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Sepanta

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