"Dans la maison du ver" est une novella rédigée en 1976 par le célèbre G. R. R. Martin, avant donc son avènement et sa célèbre saga du trône de fer, chose sans fin (on finit par douter de sa conclusion, mais on n'ose plus le dire de peur que l'auteur nous tue une bonne âme en punition). Il s'agit en premier lieu d'un court roman horrifique, avec la particularité néanmoins de nous dresser un contexte surprenant à la mêlée de plusieurs genres de l'imaginaire. Tentons donc, sans prendre de risque et nous y reviendrons: une novella horrifique post-post-apocalyptique.


Si vous lisez ce livre, vous constaterez vite que la simplicité du synopsis est inversement proportionnelle à la richesse de son univers, et c'est ce qui fait le sel de ce court roman et le rend si intriguant.
"Les Enfants du Ver", encore appelés "Yaga La Hai", sont dans un futur très lointain ce qui reste d'une humanité déchue. Ils vivent reclus dans le sol, religieusement sous les ordres d'un prêtre-Dieu se scarifiant à chaque rituel afin de s'approcher de la physionomie du Ver Blanc, entité vénérée et respectée qui restera nébuleuse, et célèbrent chaque année la mascarade solaire: sorte d'orgie où l'on célèbre la faible lumière d'un soleil mourant. Lors de cette cérémonie, Annelyn, sorte de privilégié un peu péteux et surtout grande-gueule, va se faire humilié par le Viandard, un marginal au physique étrange prétendant être le plus grand chasseur de Grouns de ces souterrains. De surcroît, ce dernier ira jusqu'à lui voler sa conquête amoureuse. Annelyn, blessé dans son orgueil, fomente une vengeance et entraînera avec lui deux copains. Et ainsi, de descendre toujours plus profondément dans les tunnels, pourtant grouillant de ces affreuses créatures multimembrées et aveugles, les Grouns, et encore d'autres espèces moins nobles...


Comme notifié auparavant, le véritable intérêt de ce texte réside dans l'univers déployé ici qui est au pire intriguant, au mieux passionnant. Et si j'aime bien recherché le "sous-genre" de l'imaginaire catégorisant au mieux un texte, cela prend ici tout son sens.
D'une pure analyse extemporanée, ce texte s'apparente ici à une fantasy horrifique. Une disposition sociétale complètement étrangère à la nôtre, mystique à certains points de vue; la présence d'espèces inexistantes et terrifiantes (les Grouns, les vers géants...), une certaine part de magie déployée au cours du récit... On pourrait se contenter de cela, si ce n'est que Martin a savamment distillé des reliquats d'une planète Terre à l'agonie.
Pour ne trop en dévoiler, je n'irai pas plus loin. Mais on comprend que nous sommes probablement dans un récit post-apocalyptique, mais quasiment post-post-apocalyptique puisque l'on dépasse très largement la survenue d'une catastrophe, quelle qu'elle soit, ou encore la réaction de l'humanité à ladite catastrophe. Ici, la société s'est refondée et ne mentionne même pas un passé d'humanité. Et on a cette ambiance, quasi-médiévale, régressive, d'humanité qui a recommencé à zéro et franchit à nouveau les étapes de son développement (souterrain, certes...).
Il faudra aussi se contenter ici d'un univers nébuleux. Des informations, sur 130 pages, il y en a beaucoup mais cela ne fera qu'esquisser les grandes lignes de cet univers. Il sera vain de chercher des réponses précises, Martin préférant nous laisser dans un brouillard étrange et malsain tout du long de son récit.


Récit brillant par le glauque. L'ambiance, oppressive et claustrophobique (gageons que les "vrais" claustrophobes du lectorat auront bien du mal lors de certains passages), ne cesse de se déployer en arborescences putrides. Des textures molles de chair en putréfaction, des odeurs de pourriture dans des tunnels clos, des gros vers grouillant, des créatures aveugles à quatre bras humanophages (ça se dit?)... Rien ne nous sera épargné et ça n'est pas une partie de plaisir.


Le principal défaut sera cette confusion globale qui ne nous lâche pas jusqu'à la fin. Le contexte est difficile à intégrer et l'effort sera grand afin de "comprendre" ce qu'on lit, mais surtout l'effort sera "court". Rajoutons à cela le déroulé en lui-même, parfois très difficile à suivre: on va de dédale en dédale, de tunnel en tunnel, et on finit par ne plus bien comprendre où est ce malchanceux d'Annelyn et face à quoi il est confronté. Le plus simple sera encore de se laisser porté sans trop se poser de question, encore faut-il en être capable (ce ne fut pas mon cas).


Et décidément, "Dans la Maison du Ver", malgré sa faible pagination, n'est pas une lecture facile ou détente. C'est exigeant et éprouvant. C'est très riche, mais aussi très confus. J'aurai donc tendance à vous le conseiller, puisqu'on n'est jamais avare en lectures étranges. Et il faut l'avouer, malgré ma fascination pour les romans d'horreur (mes critiques en témoignent), je n'avais encore jamais rien lu de tel.

Wazlib
7
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le 21 déc. 2020

Critique lue 64 fois

Wazlib

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