De sel et de fumée est le premier roman de Agathe Saint-Maur, prix folio des lycéens en 2021. Samuel est le protagoniste du roman. Il est un jeune étudiant de Science Po et narre le deuil de son petit ami.

Le roman est très problématique car il me donne fortement l’impression que l’amour de Samuel pour Lucas est né d’une admiration pour sa beauté (physique). Je l’ai trouvé horrible à lire, je vais donc tâcher d’exprimer mon ressenti - la critique sera négative.

Au début de ma lecture, je me suis retenue d’annoter sur le champ; j’ai voulu attendre d’avoir vraiment quelque chose à écrire. Puis certains motifs se sont révélés récurrents, et les ayant couchés sur papier je vais revenir dessus.


le roman offre une description plutôt juste du deuil. C’est sa force principale.

Je pense que je peux vivre dans un monde où Lucas n’est pas, mais pas dans un monde qui a tué Lucas, que la différence est ténue mais qu’elle existe puisqu’elle concentre à elle seule la raison de chacun de mes tourments. Je panse mes meurtrissures en fantasmant celles que je pourrais infliger à son meurtrier.
Je savais que la mort c’était la perte du langage, mais il faut vivre les choses pour les savoir au sens du savoir pratique, il faut avoir vécu la mort pour savoir qu’elle empêche de parler, et si la connaissance, ce doit être la mort, je ne veux plus rien savoir.

On assiste à la descente aux Enfers d’un jeune adulte et, honnêtement, c’est fait sans trop de pathos. Lucas revient fréquemment dans les rêves de Samuel, tout comme des souvenirs de ses parents quand ils étaient encore ensemble (ils sont désormais séparés). C’est pour Samuel l’occasion de replonger dans le passé et ses rêves sont les oasis de sa vie, bien que la spirale soit infernale la journée. Il compare son couple avec celui de ses parents. Ces derniers ont rompu mais les dégâts ont pu être réparables, jusqu’à un certain point. Lucas lui est mort. La pensée que Lucas et lui auraient pu être heureux jusqu’à la fin de leur vie tourmente Samuel. La frustration est démente car la mort marque une ligne de non retour en arrière

« Je pense à toutes les fois où j’ai voulu bander, sans y arriver. Je pense que j’aimerais bien pleurer. » C’est toutes ces citations sur une conception bizarre du sexe et de l’amour, simples et dépouvues de métaphores, mais pas dépourvues de profondeur. La dernière me fait l’effet d’une punchline de rap, et c’est plus qu’un compliment.

Sam et Lucas sont un couple qui s’est disputé aussi, disputé fort parfois, et ce n’est pas qu’ils sont toxiques mais qu’ils essaient de tenir la route en étant honnêtes. Et en lisant, on se dit à des fois, ce que ça doit pas être beau d’être en colère contre la personne qu’on aime. Parce que ça donne ça :

«On a fini par s’endormir sur le parquet, apaisés, en caleçon, nos vêtements sous le corps pour nous faire une paillasse. J’ai pensé qu’il était fou de se montrer nu, enfantin, sans se draper dans la dignité de ses vêtements, après avoir tenté toute la soirée de nous détruire. Au matin, la haine et la colère n’avaient pas disparu. [...] J’ai pensé je te déteste et j’ai pensé je t’aime. Je ne savais plus. Il fallait que je parte. » (la nuit après qu’ils se soient bagarrés)

Page 74 (éditions folio), une autre dispute où les deux ont pris cher, poignante et que je ne peux extraire car il faut vraiment la lire dans son contexte.

Et ok, j’admets que quelques phrases sont belles et donnent envie de retomber amoureux. J’en ai noté quelques-unes. D’abord celle ci, lorsque les deux amants se retrouvent sur le canapé pour faire ce qu’ils ont à faire : « la langue qui a tourné trois fois dans sa bouche avant de parler à mon corps pour préparer son baiser ». Il y a aussi ce moment où l’auteure prend la liberté d’ajouter un petit “etc” en fin de phrase qui fait tout : « J’ai toujours rougi facilement. Lucas dit que ça le fait bander, mais c’est moi qui le fait bander. Parce que c’est moi, etc. ». La formulation est tellement innocente et mignonne! Mais c’est super dommage, car c’est suivi d’une scène de cul un peu alarmante dans laquelle le sexe de L est décrit comme « impétueux, conquérant, conquérant comme la lame d’un explorateur qui fend une forêt de lianes, forêt vierge, territoire à découvrir ». Je peux entendre que les fantasmes sont propres à chacun, mais là ça me fait peur comme vision de son partenaire sexuel. Juste après, l’auteure rejoue la carte de l’amoureux sexy quand Lucas avoue à son petit-ami « en expirant la fumée de sa cigarette » qu’il geigne particulièrement au lit avec lui (Samuel avait en effet remarqué que Lucas en faisait beaucoup au lit).


L’humour qui caractérise les deux jeunes hommes n'est ni drôle, ni sain,et j’ai le sentiment que c’est vraiment un défaut d’écriture et non la description réaliste d’une relation toxique. L’humour a beau être subjectif, là c’est vraiment cringe au possible. La page 18 donne un aperçu du malaise que j'ai ressenti tout du long :

J’ouvre les derniers messages de ma boîte de réception. Les siens sont marqués du pseudo Lucachou dont il s’est affublé tout seul: téléphone en main, il s’était renommé fièrement. J’avais vaguement tenté de récupérer mon portable. il avait déclamé, dans une bouffée de cigarette : “Quoi, c’est pas parce qu’on est pédés qu’on a pas le droit d’être cons nous aussi.

La blague elle-même est amusante, sans plus, car pas très originale. Le premier degré et l’absence de rigolade de Lucas me laissent perplexe. Pourquoi faire de ce moment une scène ? Et pourquoi Lucas fume à ce moment, la présence de Samuel ne l’apaise pas déjà ? Ce qui m’a gênée au-delà du dicible, c’est surtout que jamais les deux ne rigolent jamais ensemble. Il faut toujours que ce soit Lucas le Beau et Charmant qui fasse une vanne ou titille Sam afin que celui-ci rougisse. La dynamique est affreuse. Leur relation ne va que dans un sens. Beaucoup de connivence entre les deux, quoi… c’est horrible comme vision de l’amour à mes yeux, et même comme vision de l’amitié ! Bien que raconter une blague dans un roman sérieux, c’est très rare, il y a une raison : c'est difficile et on quand ça ne fonctionne pas on le fait pas.

Leur dynamique humoristique me fait tourner de l'œil, et toute leur relation me semble n’être qu’univoque. Samuel se montre très admiratif vis-à-vis de son amoureux. Un des chapitres débute par exemple de la manière suivante : Lucas est beau dans le soleil de mars. Ses yeux brillent sous les rayons translucides du petit matin, sa figure reflète les couleurs d’une aube de printemps à Giverny, là où nous ne sommes jamais allés malgré ses suppliques auxquelles, pour une fois, j’ai résisté. D’abord on relève une écriture digne des meilleurs romans Wattpad, en notant la tentative de faire paraître cultivé Samuel. Je reste pour ma part indifférente aux références artistiques de surface… Une référence moins connue aurait été signe d'un goût spécifique, et aurait peut-être fait croire au lecteur que Samuel a de la personnalité.

Je ne comprends pas comment Lucas a charmé Samuel au point de l’ensorceler. Pour revenir à leur franche rigolade, voici leur conversation - Samuel observant amoureusement Lucas :

- Plus vite… T’es lent. Il essaie de me mordre le cou. - Dégage Lucas, tu m’emmerdes. -T’as peur qu’on tombe ? Je me retourne juste assez pour l’apercevoir, hilare. -T’es vraiment con.

Je n’invente pas, Lucas est juste relou (Il faut le dire). Evoquons la récidive de Lucas, dans le lit, leur première fois tous les deux. Samuel est juif et circoncis, et il redoutait la réaction de son petit-ami en voyant son sexe. Or c’est aussi la première fois de Lucas avec un homme, et la phrase qu’il sort en voyant Samuel nu, c’est : «J’avais jamais vu ça. » Évidemment Samuel rougit, et il répond que c’est normal chez les personnes juives, d’être circoncis. Sauf qu’il s’agit d’un malentendu : Lucas parlait «de la bite d’un mec avec qui [il] va baiser », donc la justification de Samuel sur la circoncision l’amuse. Sa réponse vient : « T’es con » ! Bravo Lucas. Il insulte S car celui ci croyait que les paroles de L renvoyaient à son sexe lui même, alors qu'il n'avait juste pas vu de sexe masculin auparavant (hormis le sien). D’après les mots de Samuel, « [il] avai[t] envie de pleurer ». Un peu triste de vouloir pleurer lors de leur première fois non?. Je trouve ce moment représentatif de leur histoire. Les deux auraient dû partir d’ennui. Alors on se dit que sûrement la complicité de L et S vient d’autre part que la drôlerie, un apaisement de l’inner child ou autre. Mais je n’ai pas vraiment trouvé.

Si Lucas se montre généralement brise-bonbons, Samuel aussi à un problème d’admiration excessive - en soit, on ne peut pas vraiment le blâmer s’il a peu confiance en lui, c’est juste lassant à la longue. La posture qu’ils adoptent ainsi - un demi-dieu et son fidèle - est incarnée par l’obsession pour la cigarette.

Ah, elle fait des ravages dans ce roman… Il faut toujours que Lucas fume une cigarette pour qu’il soit beau stylé et instagrammable. J’ai l’impression que ça plaît pas mal aux lecteurs en fait, ce côté esthétique. Dans la baignoire, Lucas fume aussi.

Quand je lis, j’ai la douloureuse impression que ASM fait dire à Sam, des choses qu’il ne pense pas profondément mais que elle elle pense, ou qu’elle imagne qu’il pourrait penser. je vais illustrer d’un exemple : page 41 on découvre la peur que ressent Samuel face à la vieillesse.

Le recul de l’humain. Le corps qui n’est plus attirant, ni impressionnant. [...] Personne n’aime les vieux, à part les siens évidemment, presque tout le monde aime ses grands-parents, certains donnent très bien le change cependant, excès de zèle et faux semblants, mais la vérité, c’est que personne n’aime vraiment, sincèrement, les vieux, parce que le vieux nous renvoie, glace déformante, à notre propre jeunesse éphémère, à ce que l’on est déjà en train de perdre, chaque seconde que dure chaque moment, et on le hait d’emblée pour cela, haine-oeillères. [...] Mais jamais on aime un vieux. Ce serait comme aimer l’incarnation de la mort sur terre.

→ qu’est ce qu’il en sait que presque tout le monde aime ses grands-parents ? on naît, et automatiquement on se prend d’affection pour nos ancêtres ? C'est loin d’être le cas pour les gens sur terre. La généralisation ne servait à rien. Personne n’aime les vieux ? Qui lui a dit ça ? D’où il connaît la “vérité” ? D’où il s’y connaît en amour, sérieux ? (quelle que soit sa forme) Et c’est quoi cette histoire de “haine” ?! Qui hait les vieux parce qu’ils sont vieux svp…

obsession pour le corps, l'apparence du corps, ce qu’il a de superficiel

→ j’aimerais bien savoir ce qu’il cherche à dénoncer par "excès de zèle et faux semblants". A la rigueur, s’il voulait prouver le caractère hypocrite de la politesse, mais il ne m’en a pas l’air.

→ "haine-oeillères"au vu de ce que je viens de détailler - le contenu pauvre du discours - pas la peine de rajouter des métaphores.

En revanche Sam semble apprécier les enfants. Ce qui est dommage, c’est que ça semble toujours aussi factice et construit de toute pièce par l’auteure.

« Je voyais les enfants jouer avec leurs bateaux en bois autour du bassin, me faisant l’effet d’une berceuse maternelle franchissant les lèvres dans un réflexe cognitif. Ils portaient le pouvoir de réassurance des choses immuables, incarnant à la fois la pérennité, de l’enfance, et l’achèvement brutal, de la mienne. »

Au-delà que la phrase ne veuille pas dire grand-chose, ce qui n’est en soit pas très grave, on ne sait pas trop d’où ça sort ce soudain attrait pour les mômes du jardin du Luxembourg. J’aimerais savoir qui a déjà formulé ces pensées littérales dans sa tête dans le cadre si peu naturel qu’est un jardin à la française.

C’est comme si, grosso modo, : Sam essayait de combler son vide intérieur en se trouvant des combats, en faisant semblant d’observer le monde qui l’entoure et/ou l’auteure elle-même tentait de donner de la profondeur au personnage de papier… Sans que ce soit inné. Je ne crois pas au fait que Samuel soit tellement angoissé par les vieux, simplement parce que ASM tente de nous faire croire que si. Ses efforts crèvent les yeux, elle veut nous faire avaler que Samuel a mega pas les couilles de vieillir, au point qu’il hait les seniors et qu’il pense que c’est le cas pour tout le monde ! Je n’ai pas de preuve, simplement je ne crois pas à ce charlatanisme de la littérature. Après c’est pas très grave pour un premier roman et il faut bien s’entraîner un jour !

Et pour lui donner un peu plus de profondeur, elle s’empresse d’inventer, quelques pages plus loin, un souvenir à lui. ça va sans dire que le souvenir (en gros, ses parents remplaçaient son poisson rouge quand celui-ci rendait l’âme, et ça l’a confronté pour la première fois à la mort et tout…) n’apporte pas grand chose à l’histoire en soit, il s'en sert principalement pour comparer son poisson avec ses relations amoureuses. D’accord, alors pour entendre parler de traumas d’enfance, je préfère écouter Stupeflip :)

Il y a aussi une tentative d’approfondissement du personnage de Lucas. C’est un peu un fail, vu que je ne vois pas ce qu’il y a d’attractif dans la description de son « goût inavouable pour les activités dignes de touristes pathétiques comme boire du champagne au pied de la tour Eiffel » . A sa décharge, malgré qu’il n’ait pas de personnalité, Lucas donne un sens à sa vie grâce à son engagement politique.

Samuel se fait poète, par moment, quand l’envie lui prend. J’aime beaucoup les histoires de passion quand elles ne sont pas racontées à travers des métaphores hyper classiques.

« Nous sommes simplement deux amants dont on essaie de connecter les mauvais pôles. Qui se rejettent éperdument, alors qu’ils sont faits pour être ensemble. Qui se fuient, alors qu’ils sont irrémédiablement attirés l’un par l’autre. Nous sommes les lettres d’un mot dont l’assemblage nous paraît insaisissable quand on s’y penche trop longuement »

En fait, ce passage montre en quoi la littérature perd là où les arts visuels gagnent

Ce roman est l’avènement de l’esthétique, du plastique, du physique, de l’apparence, du décor, du pinterestable, du joli, du stable qui ne fait rien changer, bouger, du compte insta sur lequel on poste une photo d’un livre jauni. C’est aussi un guide touristique de Paris. ? Je vous laisse lire ces phrases qui moi me font pleurer

« Place des Abbesses, j’aperçois une jeune fille en terrasse qui lit Marguerite Duras en buvant un café. Je me demande si elle attend un amant. » Ah, les braves personnes qui essaient de lire quand ils se rendent compte de la vacuité de leur existence… Le guide vert est décidément un art de vivre pour camarade Sam, et il revient encore vers la moitié du roman. Samuel va à la rencontre de son oncle après avoir tenté les concours Sciences Po, et la description de Paris, bien que le protagoniste affirme être en train de se “réapprivoiser [s]a cité”, est le moins personnelle possible. L’auteure cite les noms des lieux sur lesquels les deux personnages se rendent, jardin du Luxembourg, la villa Médicis… bon, ce n’est pas le moment des plus passionnants. Le point culminant du moment est atteint lorsque le vieil oncle lui déclame un proverbe de sage, « C’est comme ça, la vie. Tu entres à Sciences po, tu manges une glace, et tu finis au Sénat. L’important, c’est la glace. », cette scène vue x fois ne convainc pas du contraire.

A un certain passage, le discours devient trop grandiloquent pour ce que le propos tente de dénoncer. Samuel met le doigt sur une expérience que les hommes vivant des relations homosexuelles et hétérosexuelles ont de différent : la comparaison entre les corps. En gros, les mecs hétéros ont beau faire des concours de bites pour rire, ils ne sont jamais confrontés à la comparaison avec leur partenaire sexuelle - hormis une partenaire transgenre qui aurait conservé ses parties génitales masculines, et le propos n’évoque pas non plus les hommes bis, pan et j’en passe - tandisque le passage à l’acte entre deux hommes est délicat car les deux jugent le corps de l’autre en comparaison avec le sien - c’est en tout cas ce que dit Samuel. Bien que ce soit factuellement vrai, je trouve le terme “tragédie” (« la comparaison entre deux sexes masculins attirés l’un par l’autre est une tragédie que les hommes hétérosexuels ne pourront jamais comprendre ») un peu abusé quand même. Ou alors, il est employé au second degré, auquel cas c’est vraiment moi qui n’ai pas compris. Au sens par lequel je l’ai compris, ce n’est que l’expression d’un mec mal dans sa peau qui pense que la moitié de la planète ne vivra jamais son drame… Pas franchement glorieux. Surtout que la phrase à l’allure de maxime laisse penser que ce n’est pas tellement Samuel qui s’exprime sinon l’auteure, et dans ce cas pour quoi faire, comment sommes-nous censés réagir face à cet évènement.

Si jusque là ce qui est dit n’est pas trop choquant encore, par la suite le discours devient sérieusement maladroit.

Il y a notamment l'irruption d'un ou deux passages passages à valeur programmatique, politique, didactique, au choix.

On se demande soudain pourquoi deux garçons bien faits, beaux, habillés avec soin, à l'élocution gracieuse, s'embrassent et se lèchent le visage. Qu'est-ce qui a pu nous conduire à cette erreur de parcours? Ne voit-on pas toutes ces filles qui posent sur nous leurs yeux envieux, qui tendent dans notre direction leurs ventres à remplir, ces filles charmantes au visage en forme de cœur, dont la physionomie est faite pour s'agencer parfaitement avec la nôtre? Je sens surtout le regard de dépit des passants lorsqu'il glisse sur Lucas, comme s'ils hurlaient: «Quel gâchis!» Lucas est beaucoup plus beau que moi. Il correspond, surtout, au stéréotype du mec hétérosexuel, et c'est pour ça que je l'aime. Grand, brun, l'œil vif et les muscles bandés. Notre couple défie toute logique, déjoue les pronostics. On ne devrait pas être ensemble. Par conséquent, on ne devrait pas non plus avoir le droit de se marier.

(ah j'ai la fainéantise de commenter ça)

Le second passage ne me choque pas pour son contenu, mais simplement parce que je le trouve relativement malvenu dans un objet littéraire, et Samuel est censé être en deuil pas en train de convertir les foules au féminisme :

C'est que personne ne les voit, ou du moins c'est ce qu'elles croient, c'est ce qu'elles s'autorisent à croire pour se libé- rer un instant du carcan qui veut qu'une fille, une femme, ne montre pas son corps quand cela n'est pas strictement nécessaire, qui dit qu'il faut être folle, ou bien être une Femen, ce qui revient à peu près au même, pour pouvoir montrer ses seins, son ventre, ses genoux, son entrejambe, ses chevilles. Dans la voiture, la robe retroussée, les jambes écartées pour plus de confort, les filles se montrent en entier, courbées dans l'habi tacle, nudité originelle, innocente et impassible. Ce n'est pas obscène, c'est spontané: enfin, se montrer, sans que l'on puisse penser que le but est d'être vue, sans devoir imaginer ce que les autres vont fantasmer, ou penser à sa démarche en talons, sa jupe coincée dans sa culotte, son tee- shirt qui dépasse de son short, son vernis écaillé, sa tache de sauce sur le chemisier, ses cicatrices dans le décolleté. C'est une position d'abandon, de nouveau-né épuisé avant d'avoir existé, un moment de grâce qui ne leur arrive qu'une ou deux fois par an, parenthèse enchantée, et c'est ce que je souhaite à Victoire, de toutes mes forces. C'est ce que j'espère le plus pour elle, ma sœur, ma mère, et toutes celles que je n'ai pas su aimer: qu'elles puissent, un peu plus souvent, s'abandonner.


/!\ critique en cours d'élaboration, j'ai rédigé ce brouillon il y a bien des luxtres, à chaud

mavitch
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le 3 mai 2024

Modifiée

le 3 mai 2024

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