Josée Kamoun parle de son métier : comment traduire ?
Pour chaque livre - pour chaque texte - autant de traductions possibles que de traducteurs.
Et chaque choix se défend.
Parce que.
Parce que les mots ne sont pas des objets - ce sont des territoires complexes qui, d'une langue à l'autre, n'ont pas le même contour, ne se superposent pas exactement;
Parce que les mots ne sont pas des individus ( nul n'est une île ) - chaque mot est une foule, une monade, une famille de figures qui tissent entre elles et entretiennent de singulières relations, très différentes d'une langue à l'autre;
Parce que les mots ne sont pas des notes, mais des accords, et qu'en sonnant ils font résonner un ensemble complexe d'harmoniques, qui chantent autrement dans d'autres langues;
Alors voilà.
Parfois grave, souvent légère et lumineuse ( les deux faces du mot "light" en anglais ), jamais sombre ( pour quel naufrage ? ) Kamoun pioche pour son dictionnaire amoureux des exemples tirés de ses traductions, ou de celles des autres, explique, envisage, s'interroge, se justifie parfois, se demande...
mais elle ne reste pas prisonnière de ses travaux: chez elle on rencontre Woodie Guthrie et le Dust Bowl, la tour de Babel et la Bible ( ou faut-il dire LES bibles ? ), Joe Dassin donne sa version de l'ode à Billie Joe, on se demande comment rendre le ( ou la ? ) novlangue d'Orwell, Richard Burton rôde dans les Mille et une nuits, on fait escale ( en galante compagnie ) avec Laurence Sterne dans une auberge des Alpes, Moby Dick nous frôle, on cause sous-titrage, IA, Philippe Roth, Les Rolling Stones, on cite Uderzo et Goscinny, Brassens, on se cogne le nez pour la millième fois sur le "you" ( tutoyer ou vouvoyer ? ), on voit une douzaine d'apprenti-es traductrices et traducteurs donner chacun sa version du dernier chapitre de Sur la route, ( et on s'esbaudit de ce renouvellement infini du sens ) - mais pourquoi est-ce que je cause encore ? Ne l'ouvrez pas, sautez dedans à pieds joints !