On ne tarit pas d'éloge pour ce premier roman de l'auteur, ramené sous le feu des projecteurs grâce à son adaptation cinématographique qui semble plutôt bien reçue par la critique des différents festivals où elle s'est produite. Alors armée de ma curiosité légendaire et mon amour des sciences humaines, je me suis laissée tentée par le voyage dans le monde de la provocation. Chose que j'adore autant que j'admire mais dont je connais parfaitement la limite, moi qui porte avec un plaisir certain mon t-shit Coca-Cola lors de mes virées à la fac sous les regards haineux de mes collègues largement "de gauche".


On y suit donc les tribulations de Ronnit, une jeune femme que ses accointances passées considèrent volontiers comme débauchée et qu'elle va devoir affronter une nouvelle fois lorsqu'elle devra, à la mort de son père, voyager jusqu'à Londres ou plutôt l'un de ses quartiers en particulier, Hendon; qu'elle décrit comme une sorte de vase-clos de la communauté juive orthodoxe. Alors laissez moi quelques minutes que je regarde en quoi cela consiste exactement. Bon, j'ai pas compris grand chose et je vais certainement me planter en disant qu'en gros (vraiment en très gros), c'est une branche du judaïsme qui respecte "à la lettre" les commandements et la tradition orale comme écrite. On pourrait qualifier ça d'extrême mais ça me semble hautement péjoratif de nos jours alors on évitera mais j'y reviendrai parce que cela fait parti des choses que je reproche au livre.


Le nœud de l'histoire, si je peux le dire ainsi, repose sur la relation qu'ont entretenu Ronnit et Esti, cette dernière étant désormais marriée à Dovid, ami d'enfance de Ronnit et successeur plus ou moins désigné du père du personnage principal. Mais en toute sincérité, on passera plus de temps sur la critique facile de la communauté de Hendon plutôt que sur le développement des personnages. Alors préparez-vous à de longues pages de description des différents "mythes" judaïques si je peux dire ainsi (je vais la dire souvent celle-là) et de longues description des pratiques des habitant du quartier. Ce qui était pour moi très intéressant parce que fondamentalement, cela fait parti de mes études et consternant, parce que cela fait parti... oui bon voilà, je me répète. Le truc, c'est que ce n'est pas le compte rendu d'années de recherches parce que derrière il y a quand même une narration. Mais ce n'est pas totalement une narration parce que cela ressemble à un compte rendu de recherche. Vous suivez ? Donc tous les moments où l'histoire avance, j'ai eu cette impression que tout était dit rapidement et de manière superficielle. Au final, toutes ses explications sur les rites, les croyances, etc. ne mettaient pas en lumière les actions des personnages et au bout d'un moment, j'ai traversé vite fait les passages explicatifs comme ce type qui gueule "Mais avance bordel" à cette voiture qui ne démarre pas au feu vert. "Mais enfin Grenouille dandinante, tu viens pas de nous dire que..." demande la voix imaginaire du lecteur de cette critique.


Le problème de ces passages, c'est qu'ils sont l'exemple parfait de ce qu'il ne faut surtout pas faire dans des sciences comme l'anthropologie ou la sociologie. Simplement parce qu'ils sont bourré de "jugement de valeurs". Kécécé ? Par exemple, est-ce que le mariage c'est bien ? Cela dépend de ce que l'on considère comme "bien" ou "mal", ce qui renvoi à des valeurs morales, religieuse, bref, quelque chose de l'ordre des goûts et des couleurs et nécessairement, on ne peut avoir de réponse univoque. C'est la fameuse "subjectivité" qui est à l'honneur ici alors que l'objectivité revient à ne pas donner son avis mais de décrire simplement ce qu'est et représente le mariage sans aucun jugement. Bien sûr que chacun à son opinion personnelle sur la question mais objectivement, on ne peut se permettre de tels jugements lorsqu'on produit une recherche.


Quel est le rapport ? Et bien tous ces passages sont pour moi assez haineux et c'était un gros malaise de les lire. Non pas qu'ils le soit ouvertement mais j'ai senti que je me trouvais face à une vision très binaire finalement de cette communauté. Cela est renforcé par le fait que les moments qui décrivent Ronnit sont écrit à la première personne alors que tous le reste est écrit à la troisième personne comme si le lecteur était forcé de comprendre Ronnit mais pas les autres qui ne sont qu'un bloc unis sans aucune différence, presque sans émotion, sans questionnement interne, comme soudainement robotisés. Ce que je ne peux décemment croire et par conséquent m'a complètement sortie de l’œuvre. Simplement parce que ce n'est scientifiquement pas possible et oui, dans la science-fiction, c'est tout pareil mais j'y crois parce que c'est un genre qui repose entièrement sur le fait que j'y crois et qui donc fera tout son possible pour m'accrocher ailleurs que sur les détails technologiques.


Cela m'a dérangée d'autant plus que Ronnit a un parcours extrêmement similaire à celui de l'auteur qui a grandi à Hendon avant de déménager à New-York et sachant cela, et bien je me suis simplement mise à détester le personnage principal qui n'a visiblement aucune forme de tolérance et d'objectivité, ne semblant d'ailleurs jamais changer d'avis, un peu comme toutes ces personnes qu'elle déteste tant. On accuse souvent les autres d'être ce que l'on est...


Pourtant, c'est un "trope" récurrent dans tous les types de narration que celui de faire s'entrechoquer deux cultures ou visions du monde, souvent pour en soulever les aspects autant positifs que négatifs et pour finir par montrer qu'il est réducteur de considérer l'une comme meilleure que l'autre. Pour vous donner un exemple concret, prenez l'Arabie-Saoudite, pays que j'ai visité quelques jours et que l'on fustige allégrement pour son absence de droit pour les femmes. Figurez-vous qu'il n'y pas un sans-abri dans les rues et ce, parce que leur culture/religion leur interdit de refuser l'asile et le couvert à ceux qui n'en ont pas. Vous vous sentez encore culturellement supérieurs là ?


Rien n'est totalement négatif ou positif, ce livre ne fera pas exception.

Thepunkowl
5
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le 24 mai 2018

Critique lue 254 fois

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Engy Near

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