Donjons et Grognons

Avant de commencer cette critique, précisons que Dragonlance, saga épique divisée en plusieurs trilogies, est inspirée de l'illustre jeu de rôle Donjons et Dragons.
Les auteurs, Margaret Weis et Tracy Hickman en ont été très friands dans leur folle jeunesse.

(A noter que la précédente traduction française portait le nom de Lancedragon et laissait derrière elle des pans entiers de l'histoire dans une joyeuse insouciance).

Dragons d'un crépuscule d'automne marque le début des Chroniques de Dragonlance, série de trois livres d'Heroic fantasy portant sur un groupe de héros affrontant la reine des ténèbres, blablabla... Il y a un artefact puissant à trouver, des méchants très méchants, des batailles avec des dragons et un leader tête à claque. Niveau originalité, c'est clair, on repassera.

Dragons d'un crépuscule d'automne est le premier livre écrit par le duo et sans être méchant, ça se voit.
Si l'aventure est agréable à suivre et nous fait voir du pays, ça reste un Seigneur des Anneaux du pauvre, tant sont flagrants les manques d'originalité et d'identité.
A ce sujet, notre compagnie en est le meilleur exemple: le leader, Tanis, est évidemment un beau gosse intelligent et charismat... POP!

"Hop hop hop, attends voir!"

-Margaret?! Mais qu'est ce que vous faites ici?

-Elle même! A ton avis? Je viens t'empêcher de critiquer injustement Tanis. Tu n'as rien compris, c'est un demi-elfe! Original, non? Du coup, il ne se sent pas à sa place ni parmi les humains, ni parmi les elfes et hop! ça lui donne un côté torturé! Et on le rend amoureux de deux femmes: d'une guerrière humaine au fort caractère mais aussi d'une séduisante princesse elfe! Tu le trouve toujours aussi transparent? Hein que ça te fais fermer ta gueul..."

-Votre type, c'est juste Aragorn fusionné avec Legolas. Votre guerrière est une Eowyn dark et métissée et la princesse elfe, c'est une Arwen blonde un peu conne.

-...

-Et Tanis tire souvent la gueule, c'est vrai. Bon, le reste du casting est tout aussi brillant d'originalité, donc on va aller vite:

Il y a Flint le meilleur ami de Tanis, un nain. Ce qui veut dire qu'il a un sale caractère, fait la gueule, n'aime pas l'eau, etc, etc. Il-est-bourru-trop-vieux-pour-ces-conneries-mais-il-a-un-cœur-gros-comme-ça et ne supporte pas le sidekick comique de l'équipe, une espèce de chiure de lutin nommé Tass Racle-Pieds (ce nom mais ce nom...). Évidemment ces deux-là vont logiquement se retrouver sans arrêt ensemble, histoire de nous faire bien rigoler.
Ensuite il y a Sturm, le chevalier. Il a une armure, une grosse épée, une moustache et un sens de l'honneur qui frise la débilité. Vient à son tour Caramon, gigantesque guerrier sympathique et nunuche qui protège son frère jumeau, un mage mystérieux qui s'abrite derrière une capuche.
Raistlin, car c'est son nom, a passé une épreuve de sorcellerie qui l'a rendu très puissant mais également bien fragile. Il se la joue dark mais passe surtout son temps à tousser, à réclamer de la tisane à son frère et à tirer la gueule.
Bon, je me moque mais au fond, Raistlin je l'apprécie bien. Lui et son colosse de frangin auront leur propre saga, Légendes de Dragonlance qui est excellente.
Pour finir (ouf!), il y a Lunedor et Brisby... Rive-bise, excusez-moi, deux barbares des plaines. Oui, comme Conan ou leur cousin de Naheulbeuk.
Lunedor est sage, belle et manie un bâton magique pour soigner tout et n'importe quoi. Sauf Raistlin car il est trop dark.
Rive-bise, il est grand, fort et c'est l'amour impossible de Lunedor vu qu'elle est fille de chef et lui simple péquenot. Du jamais vu, je me demande comment ça va finir. Ah, et il tire la gueul... Quoi, lui aussi?
Sérieusement, vous étiez à ce point en panne d'inspiration les gars? Qu'est ce qui vous attire tant chez les gens qui boudent?

Peu importe, cette bande de joyeux drilles va débuter un long et difficile périple pour mettre la main sur la Dragonlance, arme fabuleuse permettant de vaincre les terrifiants dragons de la Reine des Ténèbres, une déesse qui veut conquérir le monde de Krynn. On s'occupe comme on peut.
Tanis et ses copains auront sur leur chemin Verminaar, prêtre-guerrier servant le mal, ainsi que son dragon, Ambre, le plus puissant de tous. Les deux sont plutôt cool.

J’insiste beaucoup sur les défauts de ce fichu Crépuscule d'Automne, cousu de fil blanc du début à la fin pour ne rien arranger, mais étrangement il reste agréable à lire: les auteurs, visiblement bien conscient du manque d'originalité de leur bébé, ont fait de leur mieux pour compenser et proposer l'aventure la plus rythmée et diversifiée possible.
Magie, l'effort porte suffisamment ses fruits pour que l'on se prenne au jeu, malgré des passages bien gnian gnian et d'autres que l'on voit arriver à cent kilomètres.

L'essai est transformé, mais de peu.
Un plaisir coupable.

PS: je critique, je critique mais j'ai continué au point d'avoir presque tous les livres! Ah, la complexité humaine.