Si il y a bien une héroïne de la tragédie grecque qui a fasciné les auteurs de toutes époques, c'est bien Électre (alors qu'à mon humble avis, Antigone c'est la best).
On a donc ici une nouvelle réécriture autour de l'histoire d'Électre, mais qui fort heureusement ne se limite pas à elle. Nous sommes en effet face à un récit à trois narratrices, à savoir Électre, bien sûr, mais également Clytemnestre (la mère d'Électre) et Cassandre (princesse troyenne ramenée comme captive par Agamemnon, le père d'Électre).
Et c'est là toute la réussite du roman. Il ne s'attarde pas sur le seul point de vue d'Électre, souvent érigée en modèle d'amour filial par les auteurs antiques. Si le point de vus de la susmentionnée est bien sûr présent et fort proche de celui qu'on lui connaît depuis l'antiquité, il est toutefois enrichit de quelques pensées intéressantes. On la voit se creuser la tête pour trouver des excuses à son paternel et justifier ses actes, mais surtout SON acte, celui qui scelle son destin : le sacrifice de sa fille aînée Iphigénie sur l'autel de sa gloire militaire.
Rien de bien nouveau donc du côté d'Électre. En revanche, donner la parole à Clytemnestre, aussi longuement et en fouillant aussi loin dans sa psychologie est l'une des très bonnes idées de ce roman. On s'attarde enfin un peu plus sur ses traumatismes à elle, son sentiment de trahison à la mort d'Iphigénie, sur la haine que lui inspire son époux et sur la nécessaire vengeance qu'elle entend exercer. On la voit également lutter avec sa fille, qu'elle échoue à comprendre, qu'elle échoue à convaincre de la justesse de sa colère.
Enfin, le cas de Cassandre, sans doute le destin le plus tragique de tous, puisqu'elle le voit venir, l'annonce à tous, mais est de toute éternité condamnée à ne pas être crue. C'est des trois personnages celle qui a le moins de prise sur son destin, alors même qu'elle est celle a en avoir le plus clairement conscience. C'est aussi celle qui est punie pour avoir refusé d'être violée par un dieu (ce petit connard d'Apollon) et qui de fait est la seule des trois qui n'a aucun crime sur la conscience. De loin celle pour laquelle j'ai le plus d'empathie et de commisération.
On le comprend, il n'y a rien à attendre sur le fond de ce récit. Si vous connaissez bien votre malédiction des Atrides, rien de nouveau sous le soleil. Les enjeux, les personnages, les faits sont les mêmes, de toute éternité. C'est bien dans la façon dont les choses nous sont narrées, dans la psychologisation des personnages que réside l'intérêt de ce roman.
L'écriture est juste, les dialogues saignants, les personnages touchant (bon, peut-être pas Électre, en qui j'ai du mal à voir autre chose qu'une petite aigrie manipulatrice, idéalisant son père et lui trouvant les pires excuses, qui envoie son frère exécuter ses basses œuvres avant de le condamner aux Érinyes. Bref, je l'aime pas bien cette môme).
Dans tous les cas, un très beau texte, une réécriture intelligente d'un mythe plurimillénaire et une belle lecture.