Il paraîtrait que ce Jacques serait le frère de Jésus lui-même. Théoriquement bien placé pour connaître les enseignements du Christ. L'ennui, c'est que ce texte est, sur certains points, vigoureusement hostile à Paul, qui est tout de même le grand organisateur du christianisme.

Le point essentiel de l'antagonisme se situe dans l'affirmation de la nécessité des œuvres pour être sauvé. Paul dit exactement le contraire, et Luther ne devait pas beaucoup aimer l'Epître de Jacques. Que de telles incohérences doctrinales aient été intégrées au canon originel du Nouveau Testament ne pouvait qu'entraîner des divergences d'opinion, des courants sectaires, voire des hérésies à plus ou moins long terme.

L'hostilité aux riches est particulièrement soulignée. On ne peut être riche que dans ce monde, mais justement, il convient de ne pas s'attacher au monde. Dieu récompensera le pauvre patient qui aura attendu sa justice. Affirmation à la fois révolutionnaire (hostilité aux riches) et conservatrice (il faut patienter et agir avec douceur). Le Moyen Âge retiendra bien cette maxime, encore ressassée : la convoitise est la mère de tous les maux.

La violente critique de la parole et de ses débordements (injures, mépris, dépréciations, colère...) est presque aussi corrosive que celle de la richesse. A coup sûr, tensions et coups bas devaient être fréquents dans les premiers cercles chrétiens, auxquels cette épître est adressée.

Contrairement à une longue tradition (qui bousculera négligemment les conseils de Jacques jusqu'au XXe siècle), il est affirmé ici que les malheurs vécus par les chrétiens ne correspondent pas à une volonté de la part de Dieu d'éprouver le chrétien : c'est juste le péché et la convoitise qui attirent le malheur sur les chrétiens. Zut alors, on a construit la basilique du Sacré-Cœur pour rien, et Job doit se retrouver bien seul sur son fumier, puisque ses malheurs n'ont plus aucun sens...

« Se garder net du monde » est une prescription qui minimise les possibilités d'insertion réelle des chrétiens dans le profane, et encouragerait assez nettement l'isolement, le monachisme, l'anachorétisme. De fait, le succès de ces modes de retrait de la vie sociale dans l'histoire du christianisme témoigne de la vigueur du message.

Le péché par omission (« C'est pécher que de ne pas faire le bien qu'on sait faire. ») fait son apparition, et la théologie catholique l'insèrera dans les codes du sacrement de pénitence.

Enfin, le côté transitoire, provisoire de la vie est souligné : « Vous n'êtes qu'une vapeur qui apparaît un moment puis disparaît. ». L'humilité radicale découle de ce constat. Mais bien des aspects de l'Eglise, lors de sa splendeur, montrent que le précepte n'a pas toujours eu force de loi.
khorsabad
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le 11 févr. 2012

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