“Tout cela est mal écrit, mal joué, chanté faux, mais ça se vend quand même”.
Fleur de Tonnerre - P.256


Fleur de Tonnerre, c'est un peu l'occasion de dire tout ce qu'on pense de Jean Teulé. Aussi sympathique que soit l'auteur, il signe en effet ici son livre (à ma connaissance) le plus laborieux et symptomatique d'une écriture inadaptée.

Tout d'abord, il faut avouer que Jean Teulé enchaine depuis des années les succès de librairie, tout en recevant un accueil critique plutôt favorable. Celà tient à mon avis essentiellement aux sujets traités qui, il faut l'avouer, sont à chaque fois des trouvailles exitantes (Les canibales de Hautefaye, La mission vengeresse du marquis de Montespan...).

Jean Teulé a donc un réel talent de scénariste : le rythme de ses récit est toujours bon, les pitchs accrocheurs ; mais on reprochera à son écriture, comme à ses récits, d'être pris entre deux feux : celui d'une poésie et d'un vocabulaire exigeants et d'un autre côté, une volonté de s'assurer que le message passe bien et donc de surcharger l'information, en la doublant sous différents registres (soutenu /courrant et même familier).

Les éditions Juliards sont connues pour éditer des livres à prix fort qui imprimés chez un autre éditeur feraient un fasicule de 150 pages, d'une qualité inégale. Fleur de Tonnerre parvient, dans ce format et malgrè un lettrage énorme et un vocabulaire courant à être particulièrement difficile à lire. Les phrases sont tarabiscotées, les relations entre les personnages peu claires et certaines descriptions qui se veulent d'un coup poétiques sont un fatras abstrait et limite compréhensible.

Il y a chez Teulé quelque chose de malaisant, le malaise qu'on peut avoir quand on voit un poète amateur écrire des vers grandiloquents mais qui ne portent pas une signification profonde ou ne génèrent pas une synergie littéraire. Ces ont juste des mots un peu endimanchés mis bout à bout pour faire joli. Gêne pour ce poète dont l'ambition est de faire du “joli”.

Parréllèlement, Jean Teulé, qui prépare très sérieusement ses récits avec une documentation sans faille (historique et culturelle) ne peut s'mpêcher malheureusement de partager le maximum de ce qu'il a appris. Le résultat, ce sont des personnages qui d'un coup se transforment en simple véhicule informatif de l'auteur :

“ - Tu ignores donc, Fleur de tonnerre, qu'un bruit fortuit répété trois fois prédit un malheur ? Ignores-tu que c'est ainsi que fait l'Ankou ? Avant de charger le corps d'une victime dans sa charrette, il l'appelle trois fois d'une voix sépulcrale. Par exemple, pour moi, il crierait : "Anne ! Anne ! Anne !..." Regarde, ton père aussi fut effrayé. Il a même aussitôt sorti son épée du fourreau, messagère de malheur."

Hé oui, c'est quand même maladroit non ?

Il y a enfin l'ambition chez Teulé de couché sur le papier quelque chose du cinéma : ses descriptionscontiennent non seulement des informations d'angle de vue, d'agencement d'objets dans ce qui serait un cadre, et il va même jusqu'à décrire des raccords ! Ainsi les éclairs transforment Helène Jegado en faucheuse avec l'ombre qui s'vance devant elle, puis on nous décrit les vagabonds empoisonnés qui meurent sous son ombre. Si ça c'est pas du champ contre champ...



En fait, que ce soient les dialogues lapidaires ou ce sens du visuel cartoonesque, tout cela aurait bien plus sa place au sein d'une bonne BD comme sait nous en pondre Jean Teulé. Et c'est ici qu'il faut rendre hommage au grand talent d'un auteur dont la culture bande dessinée (cf sa magnifique ode à Charlie Schlingo) n'est plus à démontrer et qui sait trouver dans des morceau de l'Histoire des prétextes à récits passionnants, mettant toujours face à face l'homme et sa bêtise.

Personne ne réchappe grandi de ces récits où la bête est souvent le fruit d'un passé cabossé, où la méchanceté et la bêtise se confondent et où le peuple et la foule sont le plus souvent véhicules de massacre et de misère culturelle.

Récits mélancoliques entre tous, les livres de Jean Teulé balancent toujours entre l'hymne à une culture riche et à la construction des hommes de lettre et en même temps entre le risque d'abêtissement de l'oeuvre d'une société, qui devient mécaniquement meute.

Déception. A quand un grand retour vers la BD ?
Dlra_Haou
3
Écrit par

Créée

le 10 juin 2013

Critique lue 599 fois

7 j'aime

1 commentaire

Martin ROMERIO

Écrit par

Critique lue 599 fois

7
1

D'autres avis sur Fleur de tonnerre

Fleur de tonnerre
Jambalaya
7

La Mort baladeuse

Jean Teulé n’est pas Breton mais n’en est pas si éloigné et quand il aborde l’univers Celte, c’est pour conter les chroniques de la plus grande tueuse en série de notre histoire (on lui crédite 67...

le 23 août 2013

12 j'aime

2

Fleur de tonnerre
amarie
8

Critique de Fleur de tonnerre par amarie

Mais qu'est ce qui a poussé la belle Hélène à tuer comme ça sans raison apparente, au hasard de ses rencontres ? Son enfance bercée de croyances bretonnes avec en fond la mort omni présente ? Ces...

le 23 janv. 2014

7 j'aime

2

Fleur de tonnerre
Koreana
7

Rennes des meurtres camouflés

Ami de la littérature, permettez moi de donner mon avis sur le dernier Jean Teulé, à vrai dire, c'est le premier de ses romans que je lis et probablement la première production toutes catégories que...

le 29 août 2013

7 j'aime

Du même critique

Cloud Atlas
Dlra_Haou
9

Transgenre Next Gen

All boundaries are conventions waiting to be transcended. Le cinéma des désormais frère et sœur Washowsky est un cinéma politique. Non pas un cinéma politique au sens militant ou revendicatif, mais...

le 7 avr. 2013

9 j'aime

4

Chernobyl
Dlra_Haou
6

What is the Cost of Lies ?

Il va falloir cesser de se pâmer devant Chernobyl. Cette série bénéficie de belles qualités : Une photo nickelle ; un cadrage plutôt pas mal dans l'ensemble Une interprétation au top par les...

le 16 juin 2019

8 j'aime

12

Fleur de tonnerre
Dlra_Haou
3

Le cinéma imprimé

“Tout cela est mal écrit, mal joué, chanté faux, mais ça se vend quand même”. Fleur de Tonnerre - P.256 Fleur de Tonnerre, c'est un peu l'occasion de dire tout ce qu'on pense de Jean Teulé. Aussi...

le 10 juin 2013

7 j'aime

1