Louisiane. Un violent ouragan frappe la région, balaye tout sur son passage. Durant ce bref instant de fin du monde, quelqu’un s’introduit dans la maison de Sobchak, un parrain de la pègre spécialiste du cocktail, ouvre le coffre et dérobe deux millions de dollars qui devaient servir à une transaction avec les Colombiens.
Dans le même temps, alors que Freeman, l’ancien flic qui a retrouvé sa fille Louise dans Hunter, tente de sauver sa maison, surgit Mardiros le collecteur de dettes arménien chargé d’un beau sac d’argent: un million et demi cette fois, une sorte d’héritage de la part d’Hunter.
AU milieu de tout cela, deux flics du NOPD, Beauregard et Howard, très borderline, enquêtent sur le meurtre sordide d’un jeune gamin noir. Le destin de tous ces personnages va se retrouver intimement mêlés, dans le drame, la colère et le sang, avec pour décor les paysages poisseux, bourbeux et mystérieux du bayou.
Même s’il s’appelle Freeman, dans la continuité des deux tomes précédents reprenant les noms des principaux protagonistes (Hunter, Crow et Freeman), Ce n’est pas lui le personnage principal, mais plutôt une sorte de témoin qui observe, subit et intervient finalement pour sa fille. Le fil central est bien tenu par les deux flics Beauregard et Howard, qui partent chacun avec un lourd handicap: le premier a son épouse mourante d’un cancer du foie suite à une hépatite, le second recherche son petit frère disparu. Comme toujours chez l’auteur, les personnages sont ciselés, avec une véritable épaisseur, une existence. Tout à fait comme si ce roman les prenait à un instant T pour les relâcher ensuite, la dernière page tournée, vers d’autres aventures. C’est un peu la force d’un bon roman, mais qui excelle ici. Une mention spéciale pour le collecteur de dettes Mardiros, un des personnages les plus intéressants qu’il m’ait été donné de découvrir dans un roman. Souriant, affable, mais redoutablement efficace et un emberlificoteur de première.
Par contre, ne vous y trompez pas, lorsque l’auteur précise sur un bandeau signé Ian Manook: le livre que j’aurais aimé écrire, ce n’est pas seulement une boutade. Freeman est bien un roman de Braverman, bien plus âpre, plus rude, plus sec et moins contemplatif que la trilogie Yeruldelger. En passant des steppes au bayou, l’auteur abandonne l’Airag mongol pour le Mint Julep. En tournant les pages, j’y ai retrouvé l’atmosphère des romans de James Wilson Hall, celle de Joe R. Lansdale, bien évidemment de James Lee Burke. J’avoue parfois un peu été perdu dans les descriptifs de l’auteur sur la profusion de couleurs et de senteurs qu’il parsème le long de ses pages, même si elles viennent renforcer cette sensation d’étouffement qui précède l’orage.
Mannok / Braverman est décidément un auteur pluriel, à qui tous les genres siéent. Si vous aimez le polar rugueux et désabusé (même si la fin est plutôt optimiste…) alors Freeman est fait pour vous. Tiens, je reprendrais bien un petit cocktail, moi.

MichaelFenris
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le 24 mai 2020

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