Les "gouverneurs de la rosée", ce sont ces paysans haïtiens des années 30 qui font fructifier leur terres sous la caresse de la pluie tropicale. Ce roman raconte une histoire simple : un jeune homme revient au pays après avoir la rébellion et la gréve à Cuba. Dans sa région dévastée par la sécheresse, il décide d'organiser le travail de tous pour profiter collectivement de la source salvatrice qu'il s'est juré de découvrir....


Ce livre, écrit par Jacques Roumain, fondateur du parti communiste haïtien, est un roman de la misère, un roman du malheur des peuples et de l'antidote que la mise en commun des bonnes volontés peut être pour une collectivité humaine. Héros quasi-prolétarien, Manuel refuse le destin que le climat de résignation et de violence a instauré pendant son absence dans son village. Car la misère, nous dit Roumain, est un désespoir qui attire la discorde. Manuel va insuffler à ses "compères" un désir d'unité et d'entraide qui avait disparu sous cette misère. Roman social, roman de lutte et roman aussi de courage donc.



"C'est dans ce pays de Cuba que tu as pris ces idées-là? "
"L'expérience est le bâton des aveugles et j'ai appris que ce qui compte , puisque tu me le demandes, c'est la rébellion, et la connaissance que l'homme est le boulanger de la vie."



J'ai été séduit par la luxuriance du vocabulaire et la force des émotions que Roumain fait rouler dans son texte. Difficile de rester indifférent à l'histoire de Manuel et Annaïse, ce couple mâtiné de Roméo et Juliette, qui refusent de laisser la misère emporter leurs vies et leur village. Liens familiaux, amitiés tenaces, vieilles haines recuites, toutes ces relations entre les gens se trouvent encore magnifiées et amplifiées dans les rites du vaudou local. Ce roman, pour être social, est aussi concerné par la simple problématique de l'amour universel, de la solidarité des démunis, et Roumain en profite pour lancer un message quasi évangélique tout en se moquant carrément de la superstition en général et de la religion catholique en particulier. Réjouissant.



Vous avez offert des sacrifices aux loa, vous avez offert le sang de poules et des cabris pour faire tomber la pluie, ça n'a servi à rien. Parce que ce qui compte c'est le sacrifice de l'homme. C'est le sang du nègre.



Très chouette lecture, dont le final un poil trop longuet , un poil trop dramatique, ne vous fera pas oublier les magnifiques pages qui précèdent. A lire sans doute au soleil, un verre de rhum ou de caïpirinha à la main. Recommandé, guys et guysettes!

nostromo
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le 19 avr. 2016

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nostromo

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