Grand Poisson, premier roman de Fabrice Sanchez, nous plonge dans la première année d’un jeune professeur de français au lycée Célestin-Pharamont, un établissement au charme gothique mais au passé glorieux désormais éclipsé. Plein d’enthousiasme et de rêves de transmission, il croit que son amour des lettres et ses résultats brillants au concours suffiront à inspirer ses élèves. Très vite, la réalité le rattrape : une classe réputée ingérable, des collègues fatigués, des parents exigeants et un lycée délabré qui semble engloutir toute énergie.
Le roman mêle satire sociale et humour caustiques. La voix narrative à la deuxième personne, alternant « tu » et « je », crée une sensation de confusion et de paranoïa : on ne sait jamais vraiment qui observe qui. La tutrice chevronnée, d’abord guide, devient parfois une figure inquiétante et quasi menaçante. Et le « Grand Poisson », métaphore monstrueuse du système éducatif, plane sur le lycée comme une présence surnaturelle, engloutissant espoirs et illusions. Je me suis retrouvée dans la perplexité du protagoniste, partagée entre fascination et effroi devant ce monde étrange et absurde.
Au fil de l’année, il apprend à dépasser ses réactions autoritaires et à établir un rapport plus humain avec ses élèves. Les situations absurdes et jubilatoires comme les épisodes ridiculisant le ministre-balloon offrent des respirations comiques dans un quotidien autrement oppressant.
Grand Poisson est un roman provocateur, littéraire et jubilatoire. Il dépeint avec humour noir et lucidité la complexité du métier d’enseignant et les travers d’un système scolaire nostalgique et paralysé. Je n’ai pu m’empêcher de sourire face à certaines scènes, tout en sentant le poids de la critique sociale que l'auteur distille avec une férocité assumée. Ce premier roman secoue autant qu'il amuse. Bonne lecture.
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