Hellraiser
7.2
Hellraiser

livre de Clive Barker (1986)

The box, you opened it, I came!

Aujourd’hui devenu un véritable tôlier de la littérature horrifique britannique, Clive Barker parvient, avec l’une de ses premières nouvelles, à instaurer les prémices d’un univers terrifiant et dégoulinant de pestilence. Hellraiser, désormais reconnu comme une sommité au sein du paysage des nouvelles d’horreur, se frayant une place privilégiée aux côtés d’autres grands noms de ce type de récit, n’a plus rien à démontrer ou à prouver aux lecteurs émérites d’ouvrages diaboliques.


Dès les premières pages, le décor est planté, l’ambiance s’installe. Dans une maison aux apparences banales se cachent en réalité les fondements d’une cruauté sans nom, orchestrée par des êtres avides de souffrance, dont la seule présence n’est due qu’à la cupidité sensorielle d’un homme en proie à des désirs intensément destructeurs. Tout du long, et dès cet incipit mêlant effroi psychologique et abominations charnelles, Barker invite le lecteur envieux d’expériences repoussantes à plonger dans les méandres de son récit quasiment mythologique. Les entités convoquées par la fragilité spirituelle humaine face aux passions implacables auxquelles est soumise leur volonté frivole, aussi résistante que la mortalité inhérente à l’espèce, n’ont pour seul but que de rallier à leur cause d’autres âmes en quête de plaisir.

Mais lorsque notre bon vieux Frank comprend la différence sémantique substantiellement opposée du plaisir entre le monde des Cénobites et le sien, il est déjà trop tard pour s’en préserver. La recherche éternelle de jouissance ultime, d’assouvissement de ses fantasmes les plus secrets, de sensorialité divine, conduira finalement à dévier de son vol ce moustique attiré par la lumière de l’ineffable passion, lui brûlant les ailes et le faisant inexorablement chuter vers les entrailles d’un monde de parfaite souffrance. Dès lors sa chair et son esprit sont soumis à d’innombrables épreuves confondant plaisir et douleur, satisfaction et souffrance, volupté et affliction, dans l’unique dessein de répondre aux attentes qu’il a lui-même formulées : expérimenter la quintessence de la concupiscence, là où ne se trouvent qu’hédonisme et lasciveté. Or, l’insidieuse offrande à laquelle il avait pourtant l’air d’avoir droit se révèle n’être qu’une exhortation pure et dure de ses ressentis sensibles. Le royaume des Cénobites, terre consacrée des plaisirs pulpeux, n’est que la matérialisation des passions les plus intenses qui soient, lieu alimenté par les tortures les plus viles que ne peut imaginer l’esprit humain. Derrière ces allures de sarcophage, les créatures missionnées ne sont en rien sataniques ou surnaturelles. Elles n’agissent qu’en tant que prêtres damnés prêchant la parole de l’éternel supplice, dont la porte d’entrée est à la portée de n’importe qui d’assez tenace. Qui pourrait penser qu’un simple cube à l’apparence enfantine dissimulerait un tel univers de déchéance ? L’influence qu’exerce la configuration de Lemarchand, éveillant la curiosité de quiconque poserait ses yeux dessus, est tout autant néfaste que les portails qu’elle permet d’entrouvrir. Catalyseur de tourments impies, le cube appelle à lui toute forme vie apparente, que celle-ci ait conscience ou non des dangers de sa manipulation.


Pour sortir finalement du cheminement vertigineux au sein des affres de la souffrance, il convient de souligner la qualité d’écriture de Barker. Alors que le récit se veut sciemment concis, le style poétique et quasiment épique de l’auteur invite à se délecter de chacune des phrases émises. Léger dans son scénario mais riche dans les images qu’elle créé, la nouvelle Hellraiser mêle la beauté de la douleur à la volatilité de l’esprit humain. En particulier, la construction psychologique antithétique des personnages féminins laisse entrevoir la complexité de la pensée anthropologique. Qu’elles concernent des passions insondables ou des sentiments refoulés voire souillés, les intentions de l’esprit ne demeurent jamais sans conséquence. Bien qu’elle n’ait aucune ambition moralisatrice, la nouvelle laisse supposer qu’en l’absence de retenue raisonnable ou d’acte cathartique salvateur, l’aliénation qui découle d’un solipsisme transcendantal ne peut être inhibée, menant à son inévitable destruction.

LuBu
8
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le 30 mai 2023

Critique lue 19 fois

2 j'aime

Lu Bu

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