Avant de collaborer avec Kubrick, avant de voir ses romans sur le grand écran, il a bien fallu commencer humblement et ce roman, son premier, est donc la petite graine qui montera un jour en haricot géant et fera ed Jim Thompson un nom du polar américain. Un début modeste en effet, car il s'agit bien de cette autobiographie que beaucoup de nouveaux auteurs commettent trop tôt avant de s'attaquer vraiment à l'oeuvre qui les travaille en profondeur. On suit les aventures (c'est un bien grand mot) de Jimmy Dillon, autrefois auteur , puis perdu dans l'alcool et aujourd'hui (1940 et quelques) faisant vivre sa famille de bric et de broc, avant de trouver ce job dans une usine d'avion , une de ces usines prioritaires qui prenaient part à l'effort de guerre de l'Amérique.

Le roman trouve son rythme entre une description très (trop) détaillée de la vie à l'usine (on apprend tout sur le boulot de Dillon, dans les moindres détails techniques) et une narration presque hallucinée de sa famille, ensemble improbable dont chaque membre revêt une identité cartoonesque qui explose dans des crises... homériques . Les enfants de Dillon ont chacun une telle présence (la petite cannibale, la petite alcoolo, le petit génie etc...) qu'ils volent vite la vedette à ce pauvre jeune homme , sommé par sa progéniture et par sa mère de recréer à nouveau le roman providentiel qui les sauvera de la ruine.Les personnages féminins ont aussi leur part de comédie et de tragédie et leur traitement approche plus ici de la critique sociale que de la simple saga familiale.

Le livre parle d'ailleurs beaucoup de pauvreté, on y compte beaucoup les sous (en centimes), on fait beaucoup de plans sur la comète. Le monde ouvrier est représenté de façon assez dure, avec ses petites intrigues mesquines, ses coups bas et assez peu d'amitié en fin de compte. (Il est à noter que l'auteur fait part de ses sympathies communistes, qui lui vaudront la visite du FBI), et surtout on y augure ce qui fera sans doute (je n'ai pas encore lu, je précise) le talent de Thompson dans ses polars, ces description brutales et claires d'un monde masculin (celui des gangsters ?) peu bavard, sur le rasoir de la violence. On a même droit déjà à l'interrogatoire policier, prémices de son sujet. Cette partie là du roman est très bien, je dois dire, et on comprend que son style lui ait fait rejoindre plus tard les grands auteurs du Noir.

Bon, je ne peux être très enthousiaste à la lecture de cet opus, car je ne peux aussi m’empêcher de penser à John Fante et ses romans, qui nous racontent un peu la même histoire, avec un talent au combien plus éclatant. Il est donc heureux que Jim Thompson ait trouvé sa voie, plus tard et dans des sujets plus ciblés. Je me fais fort d'y jeter un coup d'oeil dès que je peux... :-)

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le 30 juin 2014

Modifiée

le 16 juil. 2014

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nostromo

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