Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

"Il est toujours minuit quelque part" est un roman un peu naïf écrit par un auteur qui s’attend donc probablement à ce que ses lecteurs le soient tout autant.


L’histoire était pourtant prometteuse et originale. Bill Herrington, professeur de littérature menant une vie paisible et bien rangé aux côtés de son épouse et amour de jeunesse et ses filles voit son quotidien menacé lorsqu’il reçoit anonymement un roman dont la trame dévoile le lourd secret qu’il pensait avoir enfoui.


Le pitch est intriguant et innovant. Les questions ne tardent donc pas à affluer, dans l’esprit du lecteur, avant même qu’il ne tourne la première page de couverture. Quel est ce secret ? Qui est l’auteur du roman et que lui veut-il ? Comment va-t-il annoncer ce secret à sa famille ? Toutes ces interrogations auraient pu être maîtrisées avec brio, tact et stratégie narrative afin de maintenir l’envie du lecteur, de le tenir en haleine. Pourtant, Lalaury a géré toute sa narration de manière si maladroite que le plaisir de lecture en est gâché.


D’abord, le secret décrit dans le mystérieux bouquin est très rapidement dévoilé et son annonce fait l’effet d’un flop. C’est très mal amené, d’autant plus que cela est annoncé à Bill de la bouche de sa nouvelle élève, Alan, dont le rôle reste très niais et attendu.


Ensuite, le véritable auteur entre en scène et son comportement reste très peu crédible compte tenu des événements qui se succèdent et de la situation très peu fréquente qui entoure son arrivée (vagabond, il logera directement chez Bill !). Certains dialogues sont d’ailleurs incohérents, comme si les personnages changeaient de personnalité d’une page à l’autre.


Enfin, Cédric Lalaury est un fervent lecteur de Henry James et bien que cela n’apporte absolument rien au récit, il s’en donne à cœur joie et a fait de ses personnages des groupies de James. Quelle surprise… Ces références sans grande valeur ne font que penser qu’à de puérils clins d’œil qu’u élève voudrait lancer au professeur corrigeant sa dissertation.
En bref, sur le fond, l’idée aurait pu donner naissance à un polar original et intriguant. Cependant, les personnages sont creux, parfois incohérents, certains peinent même à justifier leur existence dans la narration. La trame est très vite dévoilée mais ne permet pas pour autant au lecteur de se sentir impliqué et touché par les personnages. Elle fait plutôt penser à une blague injurieuse dont chacun serait embarrassé et lançant un silence glacial dans l’assemblée.


La forme, quant à elle, laisse à désirer quand on sait toutes les subtilités que possède la langue de Molière. Les personnages sont parfois très familiers, voire même vulgaires et ce, même lorsque la situation en requiert autrement. Le narrateur est d’ailleurs lui aussi touché par cet excès de zèle langagier et c’en est d’autant plus surprenant que celui est omniscient.


Etrange procédé, donc, que de rendre le langage très souple, voire trop, à tel point que cela en devient peu naturel et gênant pour tout lecteur accordant un tant soit peu d’attention aux beautés de la langue française.


Il faudrait également m'expliquer en quoi le titre est judicieusement choisi. Certes, utiliser une citation issue d’une œuvre phare de Shakespeare est louable, encore faut-il que cela ne se fasse pas uniquement pour la beauté de la citation et que cela ait une vraie connexion au fond de l’histoire. (Et non pas simplement "tiens, c'est le titre du roman dans le roman". Ok, et pourquoi ?)


En un mot comme en mille : déception.

Nizzle
6
Écrit par

Créée

le 26 mars 2018

Critique lue 361 fois

Nizzle

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