Jusqu'où peut-on aller pour la célebrité ?

Quelle curieuse raison de choisir ce livre à la médiathèque par affection pour Amélie Nothomb ! De toute évidence, le titre est accrocheur. A la lecture de la quatrième de couverture, j'ai été séduite par cette promesse de dérision et de réflexions sur le monde impitoyable du livre dans lequel écrivains de talents et auteurs vedettes évoluent de nos jours.

Cette promesse a bel et bien été tenue dans ce livre.

L'intrigue est somme toute assez simple ; un écrivain "obscur et méconnu", de retour d'un salon où il a été tout bonnement ignoré du passant, tombe nez à nez, sur une route déserte, avec la voiture de la célèbre Anémie Lothomb, dans laquelle elle gît, sur le siège passager, morte d'une balle dans la tête. Mû par une pulsion incompréhensible, cet écrivain, Antoine Galoubet, emporte le corps dans sa voiture, sans trop savoir pourquoi et sans réflechir à son geste. S'ensuivent de nombreuses péripéties plus ou moins cocasses, sa volonté de se débarasser du cadavre, puis son plan de se servir de cette "occasion" pour organiser la promotion de ses propres écrits, ses fuites, ses erreurs, ses rencontres, ses confrontations avec les médias et le public...

Cette intrigue, loin d'être extraordinaire, est surtout d'après moi le prétexte à une réflexion ( ne serait-ce point une critique ? ) sur le monde du livre tel qu'il est actuellement. Tout le monde en prend pour son grade dans ce livre. Le livre s'ouvre sur une description d'un salon du livre vu par un auteur inconnu devant lequel les gens passent sans s'arrêter, des auteurs vedettes qui viennent se pavanner pour vendre, et des gens idiots qui "ne sont pas plus lecteurs que les auteurs qu'ils viennent voir ne sont écrivains" et qui ne sont là que pour voir de la "star". La critique du monde littéraire se fait dans ce roman principalement autour des médias, qui à eux seuls décident du succès d'un livre en choissant d'en parler ou de n'en rien dire, les gens lisant et jugeant bons les livres dont on parle. C'est d'ailleurs en se jouant des médias, en essayant de les utiliser à son bon vouloir, qu'Antoine Galoubet va tâcher de faire vendre ses livres. Mais plus que des réflexions sur des questions telles que " qu'est-ce que la littérature ? " "comment juge-t-on qu'un livre est bon ? ", ainsi que de tristes constats sur la difficile "loterie littéraire" (pourquoi seulement trente livres se démarquent des six cent autres d'une rentrée littéraire ?) et sur le manque d'esprit critique du public ; plus que cela, on peut assister à travers ce livre, grâce aux questionnements de cet écrivain maudit, à des réflexions que peut se faire un écrivain, "pourquoi écrire ? ", " pourquoi, alors qu'on le juge personnellement très bon, veut-on en plus que son oeuvre soit appreciée et encensée par le public et les médias ? ", les questions de reconnaissance, etc.

Ce livre, parfois assez incisif, je trouve, envers les auteurs dits "à succès", envers le lectorat, et envers les médias, peint un tableau assez pessimiste de l'époque actuelle, mais sans pour autant être entièrement faux, malheureusement. Il montre assez bien le désespoir d'un homme, et si on éprouve la plupart du temps de la sympathie, voire de l'empathie pour cet homme, il arrive parfois qu'on puisse le trouver assez antipathique, voire exécrable ; c'est une personne terriblement humaine, en somme, qui a ses forces, et ses faiblesses, qui est assez naïve, impulsive, lâche... En outre, les doutes, les hésitations, mais aussi les peurs, les moments de paranoïa, sont il me semble assez poignants de vraisemblance, il est facile de se mettre à la place de cet homme qui joue sa liberté juste pour la popularité littéraire.

La question qui me taraude après la lecture de ce livre est la suivante : qu'en est-il de son auteur, Jean-Pierre Gattégno, qui, d'après la quatrième de couverture, est un "auteur remarqué de thrillers psychologiques pour la plupart adaptés au cinéma" ? Pourquoi avoir écrit ce livre ? A quelle place est-il ? A quelle place a-t-il été ? A celle d'une Anémie Lothomb, auteur à succès, ou à celle d'un Antoine Galoubet, un bon écrivain inconnu ? Quoi qu'il en soit, on peut lire dans ce roman un certain mépris du monde littéraire, et son dénoncement, ainsi qu'une évidente dérision.
FlorianneB
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le 23 sept. 2012

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FlorianneB

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