Je ne suis pas né pour condamner mais pour aimer
"J'avoue que j'ai vécu" ("Confieso que he vivido" - quel titre !) est la juxtaposition de moments de vie, de souvenirs plus ou moins intacts mis bout à bout. Donnant au recit les allures d'un tableau impressionniste.
C'est l'épopée - j'exagère à peine - d'un grain de sable qui se fait colosse.
Mon destin a été de souffrir et de lutter, d'aimer et de chanter; le
triomphe et la defaite ont été mon lot en ce monde, et jai connu le
goût du sang. Que peut desirer dautre un poète ? Toutes les
alternatives, celle qui vont des larmes aux baisers, de la solitude à
la chaleur populaire, durent et nourri mes combats
Ainsi ce campagnard qui aime tant la poesie, qui voue un culte démesuré aux mots est devenu un immense poète. Et c'est cette trajectoire que ce livre raconte avec brio.
Dresser l'hagiographie de Neruda serait aisé tant ce poète est monumentalement grand à bien des égards. D'ailleurs à travers cet ouvrage Pablo Neruda s'en charge lui-même pour une bonne part. Ne laissant que peu d'indices sur ces impefertions qui seraient les siennes. Cest le seul ecueil de ce livre, en effet jai du mal à croire totalement cet autoportrait si policé.
Mais soit ! sa poesie et son engagement au demeurant lui donne du credit : On peut difficilement douter que neruda était un humaniste.
Son humanisme se traduit par sa proximite avec sa famille même s'il ne s'épanche pas plus que cela sur son rapport a celle-ci.
En revanche chacune de ses rencontres, il les évoque avec beaucoup de sensibilité. Plus encore lorsqu'il s'agit de ses amities qu'il raconte comme un hommage du coeur. Enfin il nous parle de la disparition de ses amis avec beaucoup de pudeur et une forme de nostalgie tendre et émouvante.
Humanisme aussi par ses voyages si nombreux qui ferait presque de lui un citoyen du monde sil ne demeurait pas profondement attaché à son pays natal.
Quant à son communisme, dont il parle peu, c'est dans son esprit un communisme apaise. Neruda est tres independant et est loin d'être un séide de la doxa soviétique par exemple. Une sorte d'idealisme aussi qui apparait çà et là dans "ses mémoires" et qui n'est pas apparut chez lui ex nihilo mais demeure bien a mon sens un reliquat de son enfance.
Tout cela est evident mais si son humanisme apparait quelque part dans "J'avoue que j'ai vécu" c'est par-dessus tout dans sa prose bien sûr. Son style chatoyant, riche et coloré est la marque la plus probante de son humanité. Sa prose (et dans sa poesie en general cela va de soi) est le reflet d'une vie marquée par la guerre (guerres mondiales et guerre d'Espagne), l'amour (parfois uniquement charnel), la nature chilienne qu'il affectionne tant etc.
*Ricardo Elliécer Neftalí Reyes Basoalto* (Pablo neruda - je ne pouvais m'en empêcher; pour la douce melodie qui se degage de son véritable patronyme) etait profondement humaniste. Peut etre parce qu'il a toujours su preserver l'humilité et une certaine naïveté qui etait les siennes enfant.
Aussi rien d'étonnant à ce qu'on lui ait décerné en 1971 le prix Nobel. Neruda le meritait a mon sens pour la qualité de sa prose et l'engagement qui en déborde.
La poesie est toujours un acte de paix. Le poete naît de la paix comme
le pain naît de la farine.(...) la poésie n'est pas morte, la poesie a
la vie dure. On la malmène, on la traine dans la rue, on la couvre de
crachats et de quolibets, on la confine pour l'ettoufer, on l'exile,
on l'emprisonne, on tire trois ou quatre balles sur elle, et elle
ressort de tous ces épisodes le visage bien lavé, avec un sourire de
riz
La lecture de cet ouvrage devrait être un préalable indispensable à celle de sa poesie en général.
Je conseille vivement !