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8.3
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livre de Jules Renard (1925)

Jules Renard reste un auteur atypique, à la charnière du XIXème et du XXème siècle. Homme de théâtre, mais également romancier caustique, notre homme avait le sens de la formule. Capable d’étriller à peu près tout le monde en quelques mots. Connu pour Poil de Carotte, c’est pourtant du côté de L’Ecornifleur qu’on trouvera tout le génie du bonhomme. Récit décrivant la lente, et pénible, histoire d’amour entre une vieille bourgeoisie éprise de littérature et un jeune savant, tendance fainéant.


Pourtant, l’extrait proposé aujourd’hui concerne le fameux Journal de Jules Renard. Difficile à lire du fait d’un éclatement total de toute chronologie, de toute structure un peu ordonnée, cette somme n’est que la réunion de fragments, considérations lapidaires portant bien souvent sur la société, les écrivains, les hommes plus généralement. Un temps, Renard se moque d’Alfred Jarry et de son Ubu Roi ; plus tard, il poursuit en comblant un vide (la page blanche) par le vide (la description de la mer, vue de sa fenêtre). Dans l’extrait ci-dessous, le romancier nous parle du talent. Une conception proche d’un Nietzsche, « le talent, c’est le travail ». Exit l’inspiration lyrique héritée de l’adolescence. Pas de muses, rien que de la sueur.


« Le talent est une question de quantité. Le talent, ce n’est pas d’écrire une page : c’est d’en écrire 300. Il n’est pas de roman qu’une intelligence ordinaire ne puisse concevoir, pas une phrase si belle qu’elle soit qu’un débutant ne puisse construire. Reste la plume à soulever, l’action de régler son papier, de patiemment l’emplir. Les forts n’hésitent pas. Ils s’attablent, ils sueront. Ils iront au bout. Ils épuiseront l’encre, ils useront le papier. Cela seul les différencie, les hommes de talent, des lâches qui ne commenceront jamais. En littérature, il n’y a que des bœufs. Les génies sont les plus gros, ceux qui peinent dix-huit heures par jour d’une manière infatigable. La gloire est un effort constant. »

Al_Foux
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le 3 janv. 2016

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Al Foux

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