La fille de la supérette, Sayaka Murata, Denoël (traduit par Mathilde Tamae-Bouhon)
Keiko est une femme de 36 ans, célibataire, employée à temps partiel dans une supérette depuis 18 ans. Elle fait le désespoir de ses amis et de sa famille, car non mariée et sans emploi sérieux. Mais Keiko est bien dans son konbini.
Le konbini est une supérette au Japon, ouverte 24h/24h, Konbini est aussi le premier titre de ce roman traduit en français.
Keiko ne se sent pas bien dans la relation à l’autre. Elle aime l’ambiance du konbini, recevoir les clients, faire en sorte que tout soit toujours bien rangé et présenté. Par de nombreux points et remarques qu’elle fait, elle dit elle-même : "J’étais néanmoins une enfant un peu étrange.", on la qualifierait aujourd’hui de personne avec des troubles autistiques. Manque d’empathie, manque de compréhension des expressions imagées, peu d’attrait pour les relations autres que superficielles… Elle est consciente de sa différence : "Dans ce monde régi par la normalité, tout intrus se voit discrètement éliminé. Tout être non conforme doit être écarté. Voilà pourquoi je dois guérir. Autrement, je serai éliminée par les personnes normales."
Ce court roman en apparence banale, qui raconte les petits gestes de Keiko dans son travail est bien plus profond qu’il n’y paraît. Pour se conformer aux attentes, elle va rencontrer un garçon et tenter un rapprochement. Sa vie va changer et ses réflexions et souhaits s’affirment. Le texte est un éloge de l’anticonformisme. Keiko, très attachante, plaide pour une grande tolérance envers ceux qui ne vivent pas comme les autres, par choix ou contrainte. Dans ce monde qui tend à l’uniformisation, voulue, soutenue par les réactionnaires de tous poils et tous pays, la différence est dans le meilleur des cas mal perçue et dans les pires des cas combattue. Keiko, dans ses attitudes montre que chacun peut vivre comme il l’entend et que ça ne devrait regarder que lui-même.
A lire donc et à faire lire à tous.