Critique du cycle "L'eau dort", T.10 et 11
L'eau dort est l'avant-dernier cycle des Annales de la Compagnie Noire, et est divisé en deux parties que sont les tomes 10 et 11. Rapide petit topo : Volesprit a piégé les principaux membres de la Compagnie, dont l'annaliste Murgen, puis est retournée bâtir son empire à Taglios. La Compagnie a été massacrée et est réduite à une poignée d'individus menant une guérilla discrète mais efficace, préparant son heure et sa vengeance, sous la conduite de Roupille et de Sarah, la femme de Murgen. Roupille a repris également le rôle d'annaliste de Murgen, en attendant de pouvoir le libérer, lui et les autres Captifs. Volesprit se fait appeler la Protectrice et est certaine de ne plus rencontrer d'obstacles sur sa route. Mais l'eau dort, et quinze ans plus tard, la Compagnie attaque la phase finale de sa guérilla...
Première constatation, immédiate pour moi dès les premières lignes : Que c'est bon de quitter Murgen et de changer d'annaliste ! Même si je l'apprécie, j'ai tendance à le considérer comme le plus mauvais des annalistes avec Casier, et à avoir moins apprécié sa façon d'écrire les annales (cf. critique sur le T.9). Roupille, en tant qu'annaliste, redonne un nouveau souffle salvateur aux annales du point de vue de la forme. On se retrouve face à une narration plus pétillante, plus directe, moins perchée, plus terre-à-terre, où les autres membres de la Compagnie sont plus souvent évoqués et détaillés...là où Murgen était très peu descriptif, et surtout centré sur lui-même, d'une certaine façon. L'ironie et les réparties cinglantes de Roupille sont savoureuses...bref, en un mot comme en cent : Vive Roupille l'annaliste !
Au niveau de l'histoire...quinze ans plus tard, les choses ont changé. Et le choc du temps passé reste un peu en travers de la gorge. On vit avec la Compagne depuis dix tomes et nous voici confronté à ce qui, finalement, est sa plus grosse défaite jusque ici. Tout s'était précipité à la fin du neuvième tome pour nous plonger dans un final catastrophique. Affolé, on change de tome, on lit les premières pages pour savoir comment ils vont s'en sortir...et boum. Quinze ans dans la tête, prends ça, lecteur... Beaucoup de personnages sont donc nouveaux pour nous, et l'on retrouve les anciens avec plaisir également. Ils ont changé eux aussi, vieillit, mûrit, Qu'un-Oeil et Gobelin n'ont rien perdu de leur mordant et de leur impétuosité, et c'est tant mieux.
Sur le plan tactique, le changement est aussi délicieux qu'innovant : guérilla, actions de communication-spectacle pour jouer sur la peur qu'inspire la Compagnie, actions de sabotage, espionnage...on laisse de côté l'affrontement direct pour quelque chose de plus rusé et de plus discret ; la lutte n'a plus lieu sur le champ de bataille, mais dans les rues de Taglios et les environs, et c'est tout aussi passionnant. On se retrouve encore une fois à leurs côtés, déguisés, travestis, pour mieux espionner les faits et gestes de leurs adversaires.
Renouveau complet tant sur la forme que sur le fond, donc, qui surprend un peu mais relance l'histoire et plonge le lecteur dans une re-découverte de cette Compagnie reconstruite une fois encore.