On a souvent contesté l'attribution du Goncourt, il est difficile de ne pas penser que le prix fut pleinement justifié pour ce très beau roman.
Mais il aurait été probablement oublié, comme beaucoup d'autres Goncourt, si le goût des romans dits « du terroir » n'avait relancé l'intérêt de sa lecture.
Sa trame narrative peut paraître accumuler les excès, on se prend à croire qu'elle reste pourtant plausible.
Le naturalisme est cependant loin lorsqu'il paraît en 1936. Les grands ténors du mouvement sont tous déjà morts et tenter une description de ces pays du Nord sous ce seul aspect aurait pu paraître complètement dépassé.
Il n'en est rien et le roman tire sa force de la beauté et de la force de son écriture.
On se sent immergé dans les oeuvres des grands maîtres de la peinture flamande (Brueghel, Jordaens, Téniers, Riubens…), on sent ces paysages, ces ambiances. On frémit à la brutalité et à la cruauté des hommes et du destin.
On ne peut pourtant pas parler ici de beauté du style. Van der Meersch n'en a pas, à proprement parler, comparé à celui que l'on pressent être son inspirateur Huysmanns beaucoup plus que Zola.
A la différence qu'il sait se maintenir malgré la puissance descriptive de son texte hors des excès de l'auteur de « Là-bas », loin d'un certain pédantisme ou de l'esbroufe du mot rare.
En dehors de toutes ces considérations, reste le sentiment d'un roman prémonitoire en la personne de l'écrivain van Bergen, force de la nature qui, lui aussi, pressent sa fin prochaine, étrange jeu de miroir entre Van der Meersch qui décédera à 47 ans de la tuberculose et son héros nietzschéen.