1992 : Michael Connelly publie son premier roman, le remarqué et primé The Black Echo (en français, Les égouts de Los Angeles est un titre nettement moins évocateur) : son personnage principal, Harry Bosch est un ex-vétéran du Vietnam traumatisé par une expérience éprouvante dans les « tunnels » où se livraient des combats intenses entre US marines et vietcongs, désormais détective au LAPD. Bosch aurait déjà quarante ans (puisqu’on saura plus tard que sa mère, une prostituée, a été assassinée en 1961 alors qu’il avait onze ans…).

2022 : le dernier Bosch en date, The Desert Star (l’étoile du désert) sort. Bosch, qui a eu une carrière pour le moins erratique, due à ses difficultés avec l’autorité en général, et surtout à son rejet viscéral de la politique qui gangrène l’administration de Los Angeles et gêne souvent la mission de la police, est à la retraite. Mais il rempile au sein d’une nouvelle section dédiée aux « Cold Cases », menée par son amie et ex-collègue, Renee Ballard. On apprend que Bosch, que tout le monde traite de « vieux » au cours des deux enquêtes qu’il mène en parallèle (une caractéristique de la plupart des romans de Connelly), approche les 70 ans. On peut pointer cette histoire de l’âge de son principal héros (« principal » parce qu’il y aussi Renee Ballard et surtout le demi-frère avocat, Mickey Haller – qui fera d’ailleurs une brève mais importante apparition dans le livre) comme une autre preuve du réalisme dont Conelly a toujours voulu imprégner ses livres…

… Un réalisme, assorti d’un goût inhabituel pour les détails techniques, pour les procédures policières et légales, et pour les techniques et les mécanismes d’investigation policière et d’analyse des dossiers, qui différencie clairement le travail de Connelly de la vaste majorité des « polars de la littérature populaire »… Et qui, prévenons le lecteur, plombe – comme c’est régulièrement le cas – la lecture des cent premières pages de l’étoile du désert, a priori pas le livre le plus passionnant de son auteur. Sauf que… comme c’est aussi souvent le cas avec Connelly, lorsque tout se met en place, à mi-parcours, l’étoile du désert se met à briller, et rejoint sans qu’on s’y attende la catégorie des thrillers que l’on n’arrive plus à reposer, et qui risquent de nous faire passer une nuit blanche !

Là où l’étoile du désert surprend vraiment, c’est néanmoins dans sa toute dernière partie, qui concerne la résolution par Bosch – qui travaille en solo sur ce cas qui lui tient à cœur – du massacre d’une famille toute entière, exécutée et enterrée dans le désert : au delà de la manipulation à laquelle se livre Bosch, se profile soudainement la perspective, plus si lointaine, de la fin. De la vraie fin d’un homme qu’on accompagné, et finalement aimé, depuis trente ans, aussi bien dans les livres de Connelly que dans l’excellente série télévisée qu’il a lui-même produite.

Du coup, le symbole de la petite fleur qui résiste à tout – sécheresse, chaleur, froid – dans le climat impossible du désert, devient une allégorie bouleversante de la vie d’un homme qui est resté debout, et s’est battu pour ses principes. On ne pensait pas refermer un jour un « Bosch » les larmes aux yeux.

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/10/05/letoile-du-desert-de-michael-connelly-resister-ne-jamais-lacher/

EricDebarnot
8
Écrit par

Créée

le 5 oct. 2023

Critique lue 95 fois

3 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 95 fois

3

D'autres avis sur L'Etoile du Désert

L'Etoile du Désert
Kitou42
8

Finir le travail

Harry Bosch n'hésite pas longtemps avent d'accepter la proposition de Renée Ballard de laisser tomber sa retraite pour intégrer l'unité des affaires non résolues. C'est l'occasion pour lui d'accéder...

le 15 avr. 2024

L'Etoile du Désert
cath_lit_et_chroniqu
9

Harry Bosch

Fan inconditionnelle de Michael Connelly, je lis tous ses livres et son dernier, L’étoile du désert ne m’a pas échappé. J’y ai retrouvé toute la puissance de l’auteur dans l’intrigue et les...

le 8 avr. 2024

L'Etoile du Désert
Nelly-H
10

Critique de L'Etoile du Désert par Nelly-H

Quel plaisir de retrouver Harry Bosch et son fichu caractère ! Cette fois, il est retraité et reprend du service en tant que bénévole à l'unité des Affaires Non Résolues dirigées par Renée Ballard...

le 12 mars 2024

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

105

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

187 j'aime

25